SOURCE : LE FIGAROAgence Bio, agence régionale de santé, Agence nationale du sport… Ces entités publiques que le Sénat veut supprimer
DÉCRYPTAGE - Un rapport propose de restructurer le maquis des 2000 structures satellites de l’État. À politique inchangée, cela économiserait 540 millions d’euros.
Pas de serpe, pas de hache, et encore moins de tronçonneuses. « Au risque de décevoir ceux qui voyaient dans ce travail des milliards d’économies, vous aurez beau chercher, vous ne trouverez pas », clarifie le communiste Pierre Barros, président de la commission d’enquête du Sénat qui s’est penchée sur « l’archipel aux frontières floues » constitué des 434 opérateurs, 317 organismes consultatifs et 1 153 organismes publics nationaux gravitant autour de l’État, selon le rapport conclusif publié ce jeudi.
Les préconisations de cette commission étaient particulièrement attendues dans un contexte de recherches effrénées d’économies. François Bayrou doit présenter dans quelques jours les grandes lignes de son plan pour inscrire 40 milliards d’économies dans le budget 2026. Parmi les pistes de baisse de dépenses les plus mises en avant, la réorganisation des opérateurs de l’État – comme souvent – figurait en bonne place. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a affirmé à plusieurs reprises qu’elle souhaitait dégager 2 à 3 milliards d’économies sur 2 à 3 ans en supprimant ou fusionnant un tiers des opérateurs, hors universités.
Une chimère, pour les sénateurs de la commission d’enquête, qui ont planché cinq mois sur ce dédale d’entités publiques. « Tous ceux qui annoncent des milliards d’économies en parlant des agences mentent un peu aux Français », assure la sénatrice Christine Lavarde, rapporteur Les Républicains de l’enquête. Le document souligne que la ministre « n’a pas été en mesure de préciser à la commission d’enquête la façon dont ce calcul avait été réalisé ». Le travail de l’élue « ne saurait, à lui seul, refléter l’ensemble des économies réalisables sur le champ “agences et opérateurs” », répond Bercy. « Les 2 à 3 milliards d’euros d’économies sont à la fois atteignables et nécessaires », réagit-on dans l’entourage de la ministre.
Un fait que ne nie pas Christine Lavarde, mais « ce sont des milliards qui seront pris sur les politiques publiques et sur les subventions » et donc pas sur la seule réorganisation des entités publiques. Sur ce point, le rapport rappelle que cinq structures portent les trois quarts des charges d’intervention de l’ensemble des opérateurs. Parmi ces mastodontes, on trouve France Compétences (15,1 milliards d’euros, provenant des cotisations obligatoires des entreprises au titre de la formation professionnelle) ou encore France Travail (2 milliards d’euros).
Le document précise que des baisses de dépenses sont possibles à politique inchangée, mais ces coupes seraient beaucoup plus modestes que celles annoncées par la ministre. Sur 2 ou 3 ans, les sénateurs considèrent qu’une approche « très volontariste » de « fusion », « réinternalisation » de missions ou encore de « mutualisation » des missions des différentes entités permettrait d’économiser… environ 540 millions d’euros.
Dans le rapport, les parlementaires proposent de supprimer certains établissements comme l’Agence Bio – qui promeut l’agriculture biologique –, l’Agence nationale du sport – qui cumule des missions telles que la rénovation des équipements sportifs et la détection de jeunes talents pour le haut niveau… – ou encore les agences régionales de santé (ARS), en charge entre autres de l’organisation de la prise en charge médico-sociale dans les territoires. Dans ce scénario, ces entités disparaîtraient, mais les politiques publiques qu’elles mènent ne seraient pas abandonnées. Leurs missions seraient transférées à d’autres services internes à l’État, comme les ministères ou les préfectures.
Outre les suppressions, le rapport préconise des fusions entre certaines de ces entités, comme les 26 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui pourraient être intégrés dans le giron du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous). Cette opération permettrait de « supprimer 26 conseils d’administration (celui du Crous de Créteil a 51 membres), qui seraient remplacés par des comités de gestion locaux », expliquent les sénateurs.
Ce scénario supposerait, pour d’autres entités, une « évolution substantielle ». L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) reprendrait ainsi une partie des missions de l’Agence nationale du sport si celle-ci était supprimée.
En fait, ce rapport, adopté largement en commission, mais sans le soutien des sénateurs socialistes et écologistes, n’a pas tant objectif de proposer des économies. Il vise surtout à fustiger l’hermétisme de l’action publique provoqué par la prolifération de ces entités. La commission d’enquête étrille l’« absence de vision » de l’État sur les coûts réels de ces structures pourtant financées en grande partie par de l’argent public. La vision comptable dont dispose le pouvoir central « ne dit rien de l’activité réelle des établissements, ce qui réduit fortement la capacité de pilotage du pouvoir exécutif ou de contrôle du Parlement », insiste le rapport. Bref, « les agences sont le symptôme d’un État qui ne se pilote plus lui-même. L’architecture administrative est devenue tellement illisible, éclatée, que même les gestionnaires publics ne s’y retrouvent plus », résume Christine Lavarde.
Sur le principe, les sénateurs ont raison. Mais il faut avoir conscience que l'économie réalisée sera assez faible.