Conflit Cambodge-Thaïlande : une querelle de frontières qui attise le nationalisme

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LeGrandNoir
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Conflit Cambodge-Thaïlande : une querelle de frontières qui attise le nationalisme

Message par LeGrandNoir »

Conflit Cambodge-Thaïlande : une querelle de frontières qui attise le nationalisme
Des échanges de tirs ont éclaté à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande jeudi, faisant plusieurs morts et blessés. Des affrontements d'une rare intensité dans cette région où le tracé de la frontière oppose les deux royaumes depuis plus d'un siècle. Ce nouvel accès de violence fait écho à des querelles de politique intérieure qui agitent les deux pays.

La tension monte à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Bangkok a mené jeudi 24 juillet des frappes contre des cibles militaires chez son voisin, tandis que Phnom Penh a procédé à des tirs d'artillerie et de roquettes. Le ministère thaïlandais de la Santé a fait état d’un bilan de 12 morts, dont 11 civils, ainsi que 35 blessés. Il s'agit des affrontements frontaliers les plus violents dans cette région depuis plus de 10 ans.

France 24 revient sur les raisons de ce déferlement de violence entre les deux voisins asiatiques, pourtant culturellement et politiquement proches.

Le déclencheur : la mort d'un soldat fin mai
La situation s'est d'abord embrasée le 28 mai dernier après la mort d'un soldat cambodgien lors d'un échange de tirs dans le "triangle d'Émeraude" – une zone revendiquée à la fois par le Cambodge et la Thaïlande.

Si les circonstances exactes de l'incident restent pour le moment floues, il a immédiatement mis le feu aux poudres des deux côtés. Dans les jours qui ont suivi, les deux pays ont annoncé des mesures de représailles : la Thaïlande a fermé un à un les passages terrestres de sa frontière, tandis que le Cambodge a suspendu l'achat de plusieurs produits auprès de son voisin, dont le carburant.

Puis, le 16 juillet, l'explosion de mines antipersonnel dans la zone frontalière, qui a gravement blessé plusieurs militaires thaïlandais, est venue encore envenimer la situation. Accusant Phnom Penh d'avoir déposé ces explosifs, Bangkok a annoncé, mercredi 23 juillet, expulser l'ambassadeur cambodgien de son territoire et rappelé son propre ambassadeur chez son voisin.

Phnom Penh a rejeté en bloc ces accusations, rappelant que les zones frontalières restent infestées de mines actives datant de "guerres du passé". Face à l'offensive diplomatique, il a de son côté annoncé rétrograder "au plus bas niveau "ses relations diplomatiques" avec la Thaïlande.

C'est dans ce contexte que de nouveaux affrontements ont ainsi éclaté jeudi matin aux alentours de 8 h près de vieux temples bouddhistes dans cette même zone frontalière, entre Surin et Oddar Meanchey.

Un conflit frontalier datant de l'époque coloniale
Pour comprendre la cause profonde de ces tensions, il faut en réalité remonter plus d'un siècle en arrière, dans le passé colonial de la région.

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Les deux pays partagent une frontière longue de près de 840 km, en grande partie tracée par les autorités coloniales françaises en Indochine à partir de 1863. Plus précisément, "elle date d'une carte dessinée en 1907 sur laquelle la frontière suit une ligne de partage des eaux naturelles entre les deux pays", détaille David Camroux, chercheur honoraire au CERI (Centre d’Etudes Internationales) de Sciences-Po, spécialiste de l'Asie du Sud-Est.

Un tracé depuis toujours contesté par la Thaïlande. Pour cause, il place un temple du XIe siècle, celui de Preah Vihear, considéré comme l’un des plus impressionnants de l’Asie du Sud-Est, côté cambodgien.

"C'est donc un contentieux avant tout symbolique. Pour les deux pays, il s'agit, grâce à ce temple, de rappeler son passé glorieux et l'importance de son territoire dans le monde bouddhiste", détaille le spécialiste. "Et ce symbole est d'autant plus important pour la Thaïlande qu'elle possède peu de temples anciens, alors que le Cambodge, lui, possède le joyau des temples d'Angkor [qui datent aussi du XIe siècle, NDLR]."

Au cours du XXe siècle, le temple s'est ainsi retrouvé plusieurs fois au cœur de tensions frontalières. En 1959, après plusieurs décennies de querelle, le Cambodge décide même de traduire la Thaïlande devant la Cour internationale de justice (CIJ) pour trancher le litige. Cette dernière donne raison au Cambodge en 1962 et décrète Phnom Penh unique propriétaire du sanctuaire.

La Thaïlande assure alors reconnaître la décision. Mais en 2008, lorsque le temple est classé au patrimoine mondial de l'Unesco, la situation s'envenime de nouveau. Cette année-là, des affrontements éclatent dans la zone frontalière. Ces combats dureront jusqu'en 2011, provoquant la mort d'au moins 28 personnes et le déplacement de 36 000 individus.

Depuis ce précédent, les deux pays tentent la coopération. En 2000, une Commission mixte des frontières (JBC) a été mise en place, chargée d'aider à résoudre les différends frontaliers. Mais les réunions entre les deux pays ne donnent bien souvent pas de résultats significatifs.

Le "reflet de tensions politiques internes"
Au-delà du conflit symbolique et territorial, David Camroux voit avant tout dans ce nouveau regain de tensions "des questions de politique interne, des deux côtés." "Il s'agit de se trouver une raison d'attiser le sentiment nationaliste et d'en profiter pour mener à bien certains objectifs politiques", estime-t-il.

Du côté cambodgien, le gouvernement a, en effet, tout intérêt à créer un sursaut de nationalisme parmi la population. Pour cause, le Premier ministre Hun Manet a annoncé mi-juillet que le gouvernement allait appliquer à partir de l'année prochaine une loi décriée, votée en 2006, mais jamais entrée en vigueur, sur la conscription des Cambodgiens âgés entre 18 et 30 ans.

En Thaïlande, aussi, cette crise sert des intérêts politiques – ceux des rangs conservateurs, historiquement proches des militaires. Début juillet, le conflit a, en effet, provoqué la suspension de la Première ministre Paetongtarn Shinawatra.

Or, "depuis août 2024, celle-ci gouverne grâce à une alliance fragile entre sa formation politique et ces partis conservateurs", rappelle David Camroux. "Mais cette alliance n'est qu'une entente de circonstances, absolument pas un mariage d'amour et les conservateurs cherchaient depuis longtemps une bonne raison de l'écarter et de reprendre totalement la main", note-t-il.

C'est une conversation téléphonique, le 15 juin, entre Paetongtarn Shinawatra et l'ex-Premier ministre cambodgien Hun Sen qui leur aura donné cette excuse. Trois jours après leur échange, des extraits de la conversation ont fuité sur les réseaux sociaux par le biais de l'homme fort du Cambodge. On y entend la dirigeante thaïlandaise appeler Hun Sen "oncle", se plier à ses exigences mais, surtout, l’inviter à ne pas faire attention aux propos du général thaïlandais aux commandes de la région frontalière car c’est l’un de ses "opposants".

Faire part à Hun Sen de dissensions entre le gouvernement et les militaires est immédiatement présenté par les milieux conservateurs comme une immense faute de la part de la Première ministre. Dès le 19 juin, ces derniers appellent à la mobilisation et des vagues de manifestants déferlent devant le siège du gouvernement. Malgré des excuses publiques, Paetongtarn Shinawatra est suspendue quelques jours plus tard. "Les rangs conservateurs et militaires sont donc proches d'obtenir ce qu'ils voulaient : se débarrasser du clan Shinawatra et reprendre la main sur la vie politique du pays", résume David Camroux.

Une escalade, jusqu'où ?
Face au conflit, David Camroux se veut cependant rassurant. "Même si ces tensions frontalières sont inédites depuis 15 ans, la situation devrait finir par s'apaiser", prévoit-il. Personne, ni en Thaïlande, ni au Cambodge, n'aurait intérêt à ce que ce conflit s'élargisse ou s'intensifie. Il y a fort à parier qu'une fois les objectifs politiques atteints, le statu quo reviendra", estime-t-il.

"La Chine, qui entretient de bonnes relations avec les deux pays et l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui cherche à tout prix la paix dans la région, se positionneront par ailleurs vite comme médiateurs du conflit", poursuit-il. "Profondément préoccupée", la Chine a déjà exhorté les deux pays à résoudre leur différend frontalier par le dialogue. De son côté, le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, qui occupe la présidence tournante de l'Asean, a appelé les deux pays à la "retenue".
Les Thaïs et les Khmers vont ils nous rejouer une manche de l'ultime prise d'Angkor par les armées siamoises d’Ayutthaya en 1431 ?
“Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes." Jacques-Bénigne Bossuet.
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Re: Conflit Cambodge-Thaïlande : une querelle de frontières qui attise le nationalisme

Message par papibilou »

Le nombre de messages sur ce sujet montre, me semble-t-il, la méconnaissance totale des problèmes lointains et j'en fait partie. Encore plus lointains que ceux du Soudan ou du Congo par exemple. L'impression que laisse ce conflit est que les dirigeants ont compris que la guerre était un moyen de resserrer les liens patriotiques et donc nationalistes et donc se maintenir au pouvoir en actionnant les leviers traditionnels du type : contraintes sur les médias et sur les oppositions, diminution des libertés, justification des inégalités etc..
On verra la suite.
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