A Londres, dans la manif d’extrême droite : «Si le gouvernement n’écoute pas ce mouvement, on ne répondra plus de rien»
A l’invitation de l’influenceur d’extrême droite Tommy Robinson, plus de 110 000 personnes se sont rassemblées dans la capitale britannique pour défendre leur conception de la «liberté d’expression».
Cinq matchs de Premier League. Plusieurs derbys. Plus de 110 000 manifestants d’extrême droite, et quelques milliers supplémentaires de contre-manifestants. La police métropolitaine de Londres a dû réclamer des renforts à d’autres villes pour maintenir l’ordre, ce samedi 13 septembre, et créer des sas de sécurité entre les différents cortèges.
L’influenceur d’extrême droite Tommy Robinson (Stephen Yaxley-Lennon), coutumier de ce genre d’événements de masse, avait promis le «plus gros rassemblement pour la liberté d’expression». C’est chose faite : ceux venus assister à la marche «Unite the Kingdom» étaient si nombreux qu’une large partie du défilé à destination de Whitehall, le centre du pouvoir, n’a jamais rejoint l’avenue et s’est enroulée sur le pont de Westminster. Debout sur les abribus, perchée sur les feux de signalisation, les statues et les socles des lampadaires, la foule s’est tassée au plus près des écrans géants pour écouter des heures de discours.
Entre mélange des genres et convergence des luttes, l’étendard anglais à la croix de Saint-George y a côtoyé le Saltire écossais, quelques dragons gallois, le drapeau israélien, le visage de Jésus, celui de Charlie Kirk, des images de bouledogues et les emblèmes des croisés. Sur les affiches, des appels à «arrêter les bateaux» ou à «renvoyer [les immigrants] chez eux», et dans les airs, le slogan «Keir Starmer est un branleur» façon 7 Nation Army. Les femmes sont rares, souvent blondes, et la plupart d’entre elles portent un haut rose – ces «Pink Ladies» sont apparues au fil des manifestations anti-immigration de l’été, pour protester contre l’installation d’hommes demandeurs d’asile dans les hôtels de leurs villes.
Zemmour, Messerschmidt, Musk
Car plus que de liberté d’expression, c’est d’immigration qu’il s’agit. «
On a atteint le point de non-retour, affirme un retraité venu exprès de Toronto. Si le gouvernement n’écoute pas ce mouvement, dès maintenant, on ne répondra plus de rien ! Je n’ai pas envie de parler de guerre civile, mais bon…» Ailleurs, un maçon s’énerve croyant savoir que «n’importe lequel de ceux qui arrivent en bateau a droit à une chambre d’hôtel et à un buffet !»
Le gouvernement de Keir Starmer a tenté de s’emparer du sujet en insistant sur son propre «patriotisme», pendant que l’ancienne ministre de l’Intérieur, Yvette Cooper, annonçait un nouveau durcissement des règles pour réduire le regroupement familial.
Entre deux averses, Tommy Robinson s’est adressé aux millions qui n’ont pas voté lors des dernières élections. «C’est notre moment, [le] début d’une révolution culturelle en Grande Bretagne», hurle-t-il. Il se réjouit d’une sorte de grand réveil de l’esprit britannique. En soutien, les icônes de l’extrême droite internationale se succèdent sur scène : le chef du parti nationaliste danois Morten Messerschmidt, une vidéo d’Elon Musk, ou encore Eric Zemmour, qui partage le micro avec un traducteur bodybuildé pour «transmettre le salut admiratif du peuple français», et insister sur un «danger mortel» commun aux deux nations – le «grand remplacement».
«Il incarne ce que tout le monde ressent»
Le rassemblement traduit l’influence grandissante de Tommy Robinson. «Avant, les gens pensaient qu’il était raciste, mais ce n’est pas le cas – il a juste pris position», estime un militant. «Il était dans les médias pour les mauvaises raisons, mais il incarne ce que tout le monde ressent», ajoute un autre. Un temps leader de l’ancien groupe islamophobe English Defense League, Robinson a été condamné à plusieurs reprises, pour agression, entrée illégale aux Etats-Unis, fraude et diffusion de vidéos à caractère diffamatoire.
Sa dernière peine, pour outrage au tribunal cette fois, s’est achevée en mai 2025. Un nouveau autre procès est prévu en octobre 2026. Un temps banni des réseaux sociaux pour avoir enfreint les règles relatives aux discours de haine, son compte X a été rétabli sous Elon Musk.
En début d’année, l’homme a fait parler de lui en France, lorsque la projection de son film Silenced était interdite par plusieurs mairies, dans l’Hérault et en Bretagne, en raison des «risques de trouble à l’ordre public», ainsi que des propos «complotistes» et «racistes» véhiculés par le documentaire.
Ce samedi, malgré ses invitations au calme et à l’exemplarité, les heurts n’ont pas été évités. Une dizaine de personnes ont été arrêtées.
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