
"Le débat s'enflamme autour d'un colloque sur la Palestine, qui devait initialement se tenir au Collège de France avant d'être d'abord annulé puis délocalisé, ses détracteurs dénonçant un événement pro-palestinien et ses défenseurs une atteinte à la liberté d'expression."
Le colloque intitulé "Palestine et Europe: poids du passé et dynamiques contemporaines", co-organisé par l'historien Henry Laurens et le Centre arabe de recherches et d'études politiques de Paris (Carep), aura bien lieu jeudi et vendredi, mais dans les locaux du Carep dans le 13e arrondissement de Paris, a annoncé le centre ce mercredi 12 novembre.
Il devait initialement se tenir au Collège de France, mais la prestigieuse institution, née au XVIe siècle, avait annoncé dimanche son annulation "en réaction à la polémique entourant (s)a tenue". Elle avait invoqué la nécessité d'assurer "la sécurité des biens et des personnes" et "la sérénité des événements".
Recours contre le Collège de France
"Nous sommes dans une ère de maccarthysme à la française", a déploré auprès de l'AFP Salam Kawakibi, chercheur en Sciences politiques et directeur du Carep, "scandalisé" par l'annulation d'une "conférence scientifique de haut niveau, avec des spécialistes des quatre coins du monde, dont des Israéliens
Pour lui, "cela a été provoqué par l'extrême droite et ses organes médiatiques, ainsi que par la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) et le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France)".
"Je n'aurais jamais cru arriver à un jour pareil en France", a-t-il poursuivi, regrettant "la méchanceté et l'ignorance" de ceux qui accusent le Carep de liens avec les Frères musulmans.
Saisi par "plusieurs associations et certains participants", le tribunal administratif de Paris a rejeté mercredi soir "les recours" contre la décision du Collège de France.
Le juge a estimé que le colloque ayant finalement lieu ailleurs, "il n'était pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression, à la liberté de se réunir et à la liberté académique" de nature à justifier son intervention, selon son communiqué.
"Justification grossière"
L'événement réunira des universitaires et des personnalités telles que l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin et Francesca Albanese, rapporteure spéciale de l'ONU pour les Territoires palestiniens.
"Je suis soulagée qu'on ait trouvé un lieu alternatif", a réagi auprès de l'AFP Francesca Albanese. Elle a souligné "ne pas avoir été surprise" par l'annulation car "les groupes de pression" pro-israéliens "sont très forts, très épanouis un peu partout".
"Mais je trouve surprenant que ce soit le gouvernement (français) qui guide cette ingérence vis-à-vis d'une académie", a-t-elle ajouté, récusant le fait que ce soit "un colloque d'activistes", une "justification grossière".
Le magazine Le Point avait évoqué un "entre-soi propalestinien" et pointé la co-organisation du colloque par le Carep, accusé d'entretenir des liens avec le Qatar.
La Licra, avait, elle, dénoncé une "foire antisioniste", et annoncé vendredi saisir le ministre de l'Enseignement supérieur, Philippe Baptiste. Le président du Crif Yonathan Arfi avait estimé que "rien n'allait dans ce colloque".
Après l'annulation, le ministre avait qualifié sur X la décision de "responsable" et estimé que ce colloque, tel qu'il avait été "programmé par ses organisateurs, risquait fort de ne pas réunir" les conditions propices à un "débat libre, respectueux et pluriel". Il avait précisé avoir "porté" ce "message" auprès du Collège de France.
Appel à manifester le 18 novembre
Dans une déclaration à l'AFP mercredi, le ministre a nié avoir "demandé l'annulation". "La responsabilité d'organiser, d'annuler ou de maintenir un colloque est celle des dirigeants d'établissement. Mon rôle en tant que ministre est de relayer auprès d'eux les alertes que je peux recevoir et dont certaines émanaient ici de la communauté académique", a souligné Philippe Baptiste.
L'annulation comme les propos du ministre ont suscité de nombreuses réactions académiques et politiques. À gauche, plusieurs élus LFI ont critiqué l'annulation. La cheffe de ses députés Mathilde Panot s'est "réjouie" mercredi que l'événement se tienne in fine. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure avait estimé "inadmissible" cette annulation."
https://www.bfmtv.com/international/moy ... 30187.html

