Mis en examen et incarcéré, il est suspecté d'être le chef des saboteurs. Mais les preuves manquent. Son activisme comme ses écrits en attestent : Julien Coupat n'est pas l'enfant de chœur que certains décrivent.
Chef d'une cellule à vocation terroriste pour la police, brillant intellectuel et sympathique jeune homme pour ses amis, mis en examen et incarcéré sur des soupçons de sabotage de lignes du TGV - « une qualification disproportionnée et vide de preuves », selon son avocate -, Julien Coupat n'est pas qu'un militant politique radical. Fils unique, né en 1974, ce jeune homme brillant a plusieurs vies. Ainsi, par exemple, fait-il prospérer ses petites affaires. « J. C. », selon l'intitulé de sa déclaration au registre du commerce, est le gérant d'une SARL de « location de terrains et autres biens immobiliers », domiciliée chez ses parents, médecins à la retraite dans les Hauts-de-Seine. Une activité qui lui a rapporté plus de 60 000 euros en 2007. De quoi faire tourner, par ailleurs, même à perte, sa ferme-épicerie de Tarnac. Sa famille originaire du bassin d'Arcachon le prétend copropriétaire d'une superbe villa avec vue imprenable sur l'Atlantique.
Côté lumière, Julien Coupat était un brillant étudiant de l'Essec, puis de l'Ehess, où il a suivi le séminaire « Histoire de la pensée allemande » et rédigé un mémoire de DEA sur Guy Debord, le pape français du situationnisme. Membre fondateur de la revue Tiqqun et cheville ouvrière du « comité invisible », auteur de L'Insurrection qui vient (éditions La Fabrique), qui décrit la société contemporaine comme un enfer qu'il faut détruire, Julien Coupat n'a jamais fait l'unanimité parmi les autonomes. Si certains de ses amis qui l'ont connu alors qu'il était étudiant le décrivent comme « sympathique » et « non violent », pour des habitués des squats parisiens, il est perçu comme hautain, voire arrogant. Côté ombre.
« S'attaquer plutôt aux dispositifs matériels qu'aux hommes »
« Toujours à faire la leçon sur ce qu'il faut faire pour changer la société. Il ne supportait pas les glandeurs qui passent de squat en squat sans jamais agir pour changer quoi que ce soit. C'est vrai, il avait la hantise qu'on le prenne pour l'avant-garde, c'est pour ça qu'il souhaitait entraîner tout le monde dans son délire », se souvient un squatteur de l'Est parisien. Son délire ? On n'en saura pas plus. L'heure est à la solidarité dans le milieu autonome, où l'on se gausse que la justice, la police et une partie des médias présentent Julien Coupat comme un terroriste. Le « délire » de Julien Coupat réside-t-il dans Appel, un fascicule de petit format à la couverture marron qui circule de sites anars en lieux autogérés et rédigé par un des membres fondateurs de Tiqqun ? Avec cet Appel, un pas supplémentaire dans l'activisme est franchi après le livre L'Insurrection qui vient. Qu'y lit-on ?
« Nous ne contestons rien, nous ne revendiquons rien. Nous nous constituons en force matérielle autonome au sein de la guerre civile mondiale. L'urgence de la situation nous libère de toute considération de légalité ou de légitimité. La perspective de former des gangs n'est pas pour nous effrayer ; celle de passer pour une mafia nous amuse plutôt. D'un côté, nous voulons vivre le communisme, de l'autre, nous voulons répandre l'anarchie. »
Néanmoins, précise le document, si lui appelle à l'action, ses partisans ne veulent tuer personne. Non pour des raisons morales, mais pour une question de stratégie : « Il paraîtra judicieux de s'attaquer plutôt aux dispositifs matériels qu'aux hommes qui leur donnent un visage. C'est vers les formes d'opérations propres à toutes les guérillas qu'il nous faut nous tourner : sabotages anonymes, actions non revendiquées. »
Le recueil fait également référence à des actions auxquelles les auteurs ont participé. On sait que Julien Coupat a voyagé au gré des manifestations anti-capitalistes, comme à Gênes, en 2001, où la mort de Carlo Giuliani, tué par un carabinier, a marqué les esprits. Mais, pour les rédacteurs de l'Appel, Gênes, c'était la fête, le pouvoir était à la rue, se félicitent-ils, grâce à l'action des « Black blocs », ces autonomes violents qui détruisent tout sur leur passage. «... certains d'entre nous affrontent les lignes de carabiniers, renvoyant les lacrymos, défonçant le dallage des trottoirs pour en faire des projectiles, préparant des cocktails Molotov à partir de bouteilles trouvées dans les poubelles et d'essence tirée des vespas retournées. »
S'il est partisan d'« accélérer la mort clinique de la civilisation », Julien Coupat n'a pas écrit qu'il voulait semer la terreur. Pas pour des raisons morales ; plutôt par souci d'efficacité.
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