La suite aurait pu se perdre sous les arcades, l'essentiel était dit. En ce début de XXIe siècle, la franc-maçonnerie doit relever un immense défi si elle veut recouvrer sa modernité et tomber du côté de la "Lumière" qui lui est si chère: elle doit mettre fin au "secret maçon" et recommander à ses membres de revendiquer leur appartenance à une loge, preuve d'engagement dans la vie publique et d'activité intellectuelle altruiste.
Attachée, au fil des siècles, à promouvoir le progrès, la franc-maçonnerie se complaît aujourd'hui dans l'obscurantisme du non-dit. Justifiée jadis pour éviter les persécutions, cette attitude n'a plus aucun fondement. Il n'y a plus d'antimaçonnisme primaire, religieux ou politique et la critique des frères relève de trois "obédiences": celle qui moque à juste titre leur rituel ridicule, tout ce saint-frusquin de compas, équerres, triangulations loufoques et serments ésotériques; celle qui pense avoir été victime d'une solidarité franc-maçonne dans l'attribution d'un marché ou d'un poste; celle qui ne supporte pas qu'on avance masqué et pratique l'omertà dans une société qui exige, de plus en plus et à juste titre, la transparence. Le secret maçon est injustifié, déloyal et ringard. Pour être un bon maçon, il fallut sans doute, longtemps, se cacher. Aujourd'hui, il faut l'assumer, si ce n'est l'afficher.
Le secret, c'est le mensonge
Longtemps excipé pour justifier une dénégation, voire une plainte contre un outing, l'argument de la vie privée ne tient plus. La justice, à la suite d'articles de L'Express, l'a confirmé, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2005: "La révélation de l'exercice de responsabilités ou de direction au titre d'une quelconque appartenance politique, religieuse ou philosophique ne constitue pas une atteinte à la vie privée."
Il n'y a rien de privé dans le fait de se rendre dans un lieu collectif pour débattre, participer à des agapes et en profiter pour évoquer des affaires personnelles. En février 2008, sollicité par L'Express pour reconnaître et détailler son appartenance au Grand Orient (GO), Jean-Louis Guigou, mari d'Elisabeth, a plaidé - avec succès - pour la préservation de son anonymat, au nom du "respect du jardin secret", affirmant que cet engagement intellectuel n'avait aucun lien avec l'activité de sa femme. Las! dans Un Etat dans l'Etat, qui sera publié le 19 mars chez Albin Michel, Sophie Coignard montre comment se retrouvent, dans la loge Intersection, Jean-Louis Guigou et Philippe Guglielmi, suppléant d'Elisabeth Guigou, patron de la fédération PS de Seine-Saint-Denis et ancien grand maître du GO. Jardin secret, moissons publiques...
Sophie Coignard, après deux ans et demi d'enquête, a composé un ouvrage fouillé et tranché, qui l'amène à condamner la funeste tradition du secret maçonnique. Elle trouve quelques alliés parmi les frères, comme Pierre Marion, ancien patron de la DGSE, qui a quitté la Grande Loge nationale française et affirme: "Cette obligation [...] alimente dans le public des fantasmes nuisibles à la santé de l'Ordre. [...]
Attachée, au fil des siècles, à promouvoir le progrès, la franc-maçonnerie se complaît aujourd'hui dans l'obscurantisme du non-dit. Justifiée jadis pour éviter les persécutions, cette attitude n'a plus aucun fondement. Il n'y a plus d'antimaçonnisme primaire, religieux ou politique et la critique des frères relève de trois "obédiences": celle qui moque à juste titre leur rituel ridicule, tout ce saint-frusquin de compas, équerres, triangulations loufoques et serments ésotériques; celle qui pense avoir été victime d'une solidarité franc-maçonne dans l'attribution d'un marché ou d'un poste; celle qui ne supporte pas qu'on avance masqué et pratique l'omertà dans une société qui exige, de plus en plus et à juste titre, la transparence. Le secret maçon est injustifié, déloyal et ringard. Pour être un bon maçon, il fallut sans doute, longtemps, se cacher. Aujourd'hui, il faut l'assumer, si ce n'est l'afficher.
Le secret, c'est le mensonge
Longtemps excipé pour justifier une dénégation, voire une plainte contre un outing, l'argument de la vie privée ne tient plus. La justice, à la suite d'articles de L'Express, l'a confirmé, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2005: "La révélation de l'exercice de responsabilités ou de direction au titre d'une quelconque appartenance politique, religieuse ou philosophique ne constitue pas une atteinte à la vie privée."
Il n'y a rien de privé dans le fait de se rendre dans un lieu collectif pour débattre, participer à des agapes et en profiter pour évoquer des affaires personnelles. En février 2008, sollicité par L'Express pour reconnaître et détailler son appartenance au Grand Orient (GO), Jean-Louis Guigou, mari d'Elisabeth, a plaidé - avec succès - pour la préservation de son anonymat, au nom du "respect du jardin secret", affirmant que cet engagement intellectuel n'avait aucun lien avec l'activité de sa femme. Las! dans Un Etat dans l'Etat, qui sera publié le 19 mars chez Albin Michel, Sophie Coignard montre comment se retrouvent, dans la loge Intersection, Jean-Louis Guigou et Philippe Guglielmi, suppléant d'Elisabeth Guigou, patron de la fédération PS de Seine-Saint-Denis et ancien grand maître du GO. Jardin secret, moissons publiques...
Sophie Coignard, après deux ans et demi d'enquête, a composé un ouvrage fouillé et tranché, qui l'amène à condamner la funeste tradition du secret maçonnique. Elle trouve quelques alliés parmi les frères, comme Pierre Marion, ancien patron de la DGSE, qui a quitté la Grande Loge nationale française et affirme: "Cette obligation [...] alimente dans le public des fantasmes nuisibles à la santé de l'Ordre. [...]