le parfum de la liberté

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95D
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le parfum de la liberté

Message par 95D »

(from lemonde.fr le 20/08/09)

Le parfum de la liberté

"Elle est entrée en France par la langue. Celle de Victor Hugo et de François Truffaut, dont elle a découvert les films à Téhéran, à la fin de son adolescence. A moins que ce ne soit la France qui ait pris d'emblée, presque naturellement, ses aises avec elle, s'installant en cousine dans la vie de Marjane Satrapi ? La dessinatrice de Persepolis a fréquenté, "comme tout enfant de la bourgeoisie iranienne", les écoles bilingues, françaises et catholiques.

Dans sa famille, la France et sa culture sont une vieille habitude. Ses parents, comme ses grands-parents, sont venus en voyage dans l'Hexagone. Deux de ses cousines sont professeurs de français, l'une aux Etats-Unis, l'autre au Canada. Et c'est en France, où Marjane Satrapi allait déjà, petite, en colonie de vacances, qu'elle a appris ses premiers gros mots, en même temps qu'elle s'initiait aux Choco BN et aux bulles roses des chewing-gums Malabar. "Le français est une langue tellement belle. C'est comme jouer de la flûte", dit-elle en sirotant un Coca light débordant de glaçons, attablée à la terrasse d'un café parisien de la rue de la Roquette.

Elle est donc entrée en France par la langue (beaucoup), par le cinéma (un peu). Mais pas (du tout) par les bandes dessinées. Aux héros rustiques d'Astérix, la future dessinatrice préférait les comics américains et les exploits aériens de Batman. "De toute façon, à la maison, les livres de littérature enfantine venaient surtout d'Europe de l'Est et de l'URSS", rappelle celle dont les parents, bourgeois certes, mais contestataires, juraient par Karl Marx et Rosa Luxemburg, comme l'évoque Persepolis, son premier récit autobiographique.

Dans Poulet aux prunes, une autre de ses BD, le personnage principal est un fan de l'actrice Sophia Loren. Comme Marjane Satrapi. Quand on lui demande ce qu'elle lit ces temps-ci, elle répond Thomas Mann, Jorge Luis Borges et Dostoïevski. Cet éclectisme est-il français ? Ou satrapien ? En tout cas, il n'est pas américain. "Au fond, les Etats-Unis, c'est un pays communiste : les gens s'habillent pareil, les magasins sont tous les mêmes... On dirait le bloc de l'Est, avec plein de fric", s'amuse-t-elle.

Qu'il y ait plus d'énergie à New York, que l'art soit plus vivant à Berlin, que la France, en comparaison, semble un peu provinciale, elle veut bien le reconnaître. A la rigueur. "Pour l'art, peut-être... Mais pour l'art de vivre, c'est ici", s'exclame la globe-trotteuse, âgée de 40 ans, qui n'en adore pas moins les Etats-Unis où elle séjourne de temps à autre et où Persepolis s'est vendu à plus de 700 000 exemplaires.

Quant à l'Autriche, pas la peine d'insister : elle garde un souvenir "lugubre" des deux années de pensionnat passées avec des "petits "von Machin" et autres fils de diplomates", inscrits comme elle dans l'école privée catholique de Vienne, où ses parents avaient cru bon de l'envoyer en 1984. Finalement, c'est à Strasbourg - "une belle ville un peu ennuyeuse : un endroit parfait pour travailler" - qu'elle complétera ses études d'art déco entamées à Téhéran, avant d'être admise à Paris parmi les élèves de l'Atelier des Vosges, près de la place du même nom.

Dans la capitale, où elle s'est installée en 1997, elle a ses marques et ses repères. C'est dans un bar du quartier de la Contrescarpe qu'elle a rencontré son mari, un Suédois, seule chose qu'elle accepte de dire de lui. Mais c'est dans un grand appartement à la lisière du Marais que le couple habite, "un peu par hasard", et près de la place Voltaire, dans le 11e arrondissement, qu'elle a son atelier. Parmi les cinémas à sa disposition, le Grand Action de la rue des Ecoles reste son préféré : "Ils ont une programmation géniale, et en plus, c'est confortable."

Rayon musées, elle aime bien celui du quai Branly : "On entre, et hop ! c'est comme si on partait en voyage." Quant aux restaurants, elle adore les bonnes brasseries de quartier ou les tables gastronomiques sans chichi, ou un italien du quartier d'Aligre et son carpaccio de cheval...

"A Paris, j'aime tout", résume-t-elle sans ambages. Y compris l'odeur du métro, "l'odeur de la liberté", loin de l'Iran et des ayatollahs. Elle aime tout, y compris les Parisiens mufles ou grincheux. Comme cet aveugle qu'elle remarque un jour, planté au bord du trottoir, et à qui elle propose gentiment son aide pour traverser la rue. "Tu ne vois pas que j'attends le bus, connasse ?", l'envoie bouler l'atrabilaire, suscitant embarras et admiration chez sa fugace bienfaitrice.

"L'humour persan est proche de l'humour français, on rit des mêmes choses : la mauvaise foi, le sexe et l'accent des autres, observe Marjane Satrapi. Rire avec les autres est beaucoup plus difficile que de pleurer. Devant l'image d'une mère en pleurs, tenant dans ses bras son enfant blessé, tout le monde pleure, enfin, bon... sauf vous et moi. Mais rire, ça c'est beaucoup plus rare", insiste-t-elle.

L'humour, la langue, le goût des bistrots, l'odeur du métro et du pain frais, c'est un peu tout cela et mille autres choses encore qui font que l'auteur de Broderies - une BD subtile, qui dit la liberté des femmes et leur aliénation - se sent "française et iranienne" à la fois. Et "non pas française d'origine iranienne". Elle précise qu'elle a horreur de cette expression. Elle a pourtant mis beaucoup de temps pour obtenir la nationalité française. Jack Lang, l'ancien ministre de la culture de François Mitterrand, a dû intervenir. "Lui, il est vraiment l'ami des artistes."

De là à conclure que Marjane Satrapi vote à gauche, il y a un pas qu'il serait hasardeux de franchir. "La politique en France ne m'intéresse pas trop." Elle avoue n'avoir encore jamais participé à un scrutin. La société française et sa diversité, en revanche, elle en redemande. Cela étant, elle préfère éviter la campagne, les couche-tôt et l'air (trop) sain de l'Atlantique.

Entre la Bretagne et la Côte d'Azur, elle n'hésite pas une seule seconde. "Je déteste les crêpes, l'odeur des algues et les pulls à rayures. Quant aux marées, ça me fait peur... Pareil pour la Normandie : un week-end à Honfleur, c'est la déprime assurée", s'écrie l'ancienne gamine de Téhéran, indécrottable citadine.

Ses villes préférées, après Paris ? Celles de la côte méditerranéenne. Nice en particulier, à cause des vieux. "Ce sont les gens avec qui je m'entends le mieux, ils ont une expérience de vie supérieure à la mienne", dit-elle. Les vieilles bellâtres aux cheveux décolorés, la nourriture à l'ail, les eaux couleur turquoise et "le côté bimbo" des indigènes azuréens la ravissent. "La France, c'est le centre du monde", conclut-elle avec fougue. Comment dit-on magnanime, en persan ?"
max56
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Re: le parfum de la liberté

Message par max56 »

Entre la Bretagne et la Côte d'Azur, elle n'hésite pas une seule seconde. "Je déteste les crêpes, l'odeur des algues et les pulls à rayures. Quant aux marées, ça me fait peur... Pareil pour la Normandie : un week-end à Honfleur, c'est la déprime assurée", s'écrie l'ancienne gamine de Téhéran, indécrottable citadine.
On lui a pas demander de venir en même temps, surtout si c'est pour nous chier à la gueule, qu'elle reste dans son bled pourri :roll:
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