Caroline Fourest, auteur d'un livre remarqué sur le prédicateur Tariq Ramadan*, décrypte sa présence au congrès annuel de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui a ouvert ce vendredi au Bourget.
"En réalité, Tariq Ramadan a raté son pari. Lui qui voulait séduire la gauche altermondialiste pour élargir le cercle des Frères musulmans est aujourd'hui lâché par tout le monde. Son message est totalement brouillé, personne ne sait plus où le situer. D'un côté, il est l'obligé du cheikh islamiste radical Qaradawi et du Qatar, qui finance sa chaire d'études islamiques à Oxford.
De l'autre, en voulant garder sa ligne anti-impérialistes et anti-américains, il s'est mis à douter de la spontanéité du Printemps arabe et à y voir un quasi complot de la CIA! Sachant les liens entretenus entre le Qatar et les Etats-Unis à l'occasion du renversement des dictatures, cela frise la schizophrénie...
D'un côté, il critique le rôle joué par les américains dans la démocratisation. De l'autre, il est ravi de voir les réseaux des Frères musulmans en profiter. Pour la jeunesse arabe, c'est assez illisible.
Cette fausse colère masque les liens très complexes entretenus par Nicolas Sarkozy et l'UOIF
En Tunisie, ni les islamistes ni les laïcs ne se réclament de lui. Ils ont déjà tout ce qu'il faut en termes de Frères musulmans. En Egypte, où la confrérie fait un carton plein, il n'a aucune audience. Quant à la France, son propre public ne sait plus où le situer et se réduit. Il ne lui reste plus que ses vieux amis pour lui offrir une tribune... l'Union des organisations islamiques de France. C'est dans ces cercles, ceux des Frères musulmans français, qu'il a toujours des fans.
Le courroux affiché de Claude Guéant est d'ailleurs amusant. Comme si le ministère de l'intérieur découvrait que l'UOIF entretenait des liens avec les frères Ramadan, qui sont peut-être les plus "soft" de leurs prédicateurs préférés. Cette fausse colère masque les liens très complexes entretenus par Nicolas Sarkozy et l'UOIF.
Depuis la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) en 2005, le président de la République joue une sorte de double-jeu. D'un côté, il cogne Tariq Ramadan, de l'autre il s'allie en coulisse avec les intégristes de l'UOIF et leur prédicateur vedette Hani Ramadan, frère du même Tariq. De la même manière, le gouvernement fait aujourd'hui beaucoup de bruit contre le djihadisme, spectaculaire certes mais finalement très rare.
Mais au sein du CFCM, il a promu un mouvement, celui des Frères musulmans, qui fait tous les jours des dégâts en termes de mixité et de vivre-ensemble. La politique sécuritaire explique en partie ce paradoxe: dans les quartiers sensibles, les plus coopérants sont souvent les ultra-religieux. En s'appuyant sur eux, le gouvernement croit pouvoir contrôler les jeunes et leur envie de se révolter. Mais il fait un pari catastrophique sur le long terme: leur indiquer que l'Etat français ne les respecte qu'à travers leur identité confessionnelle. C'est le meilleur moyen d'encourager l'intégrisme... "