Souvent drôles, parfois mortelles pour ceux qui les prononcent, les bourdes ne sont l'apanage d'aucun parti. Florilège.
Je vous demande d'être très attentifs à votre activité numérique." La mise en garde avisée de François Hollande lors du tout premier conseil des ministres n'était certainement pas de trop. Si l'avertissement visait essentiellement Twitter, devenu en quelques mois un outil politique de premier plan, la prudence est en effet de mise où que l'on mette les pieds. Règle numéro un donc, éviter de les mettre... dans le plat ! Gaffes, bévues, boulettes, mensonges, dérapages, lapsus, bêtises et autres erreurs : il n'est sans doute pas un gouvernement qui a pu échapper au syndrome de la "petite phrase" ou de la "grosse bourde". Ce que s'est empressée de confirmer Michèle Delaunay, ministre chargée de la Dépendance et des Personnes âgées, qui twittait il y a quelques jours : "Pas sûre que l'UMP ait compris la différence entre EPAD et EHPAD : ds l'1 C les fils du président, ds l'autre les grands-parents de tt le monde." Sans parler de l'embarras suscité au gouvernement par l'obstination de Cécile Duflot à vouloir légaliser le cannabis. Une fois n'est pas coutume. Revue de détail de ce qui se fait de mieux en matière de gaffe politique.
Le tweet de trop. On a tous en tête le désormais célèbre "Quand je rentre, je me couche. Trop épuisé. Avec toi ?" d'Éric Besson, maladroitement rattrapé par un douteux "LOL et excuses. Ça m'apprendra à manipuler la liste des brouillons et à appuyer par erreur sur la touche envoi." Bien essayé, monsieur Besson, mais la twittosphère a tranché : Nadine Morano a tout de même appelé à voter Le Pen sur le célèbre site communautaire. C'est donc elle qui détient toujours la palme !
Lapsus dévastateur. Employer un mot pour un autre peut parfois coûter très cher. Si la "fellation" et le "gode de conduite" de Rachida Dati ou la "bravitude" de Ségolène Royal font désormais autorité en la matière, on oublie trop souvent que Brice Hortefeux a confondu "empreintes génétiques" et "empreintes génitales" ou que le livre préféré de Frédéric Lefebvre est "Zadig et Voltaire"...
Petits arrangements. Qu'importe qu'il soit beau ou non de mentir, beaucoup se sont laissé prendre à leur propre piège... En flagrant délit de tromperie. Ainsi Ségolène Royal s'est-elle autoproclamée ambassadrice du Pnud (le Programme des Nations unies pour le développement) en juin 2008 : "Le responsable du programme des Nations unies m'a demandé, et j'en suis très honorée, d'être la représentante mondiale au niveau des Nations unies pour la coopération décentralisée sur les énergies renouvelables. (...) C'est à ce titre que le 21 septembre je serai à l'ONU pour représenter ces régions pour la préparation du sommet de Copenhague." Petit problème : le Pnud, premier étonné de la nouvelle, dément aussitôt lui avoir confié de telles fonctions.
Zéro pointé. "Le prix d'un ticket de métro, madame Kosciusko-Morizet ?" "Euh... 4 euros et quelques ?" Raté. "Combien 1 hectare en mètres carrés, M. Lemaire ?" "Un hectare, c'est un hectare, non ?" Soit. "Que signifie le e de eBay, de e-mail, de e-commerce, M. Besson ?" "C'est le e de... Internet ?" Peut mieux faire. Non, décidément, les ministres ne sont pas les meilleurs élèves en leur matière...
La remarque de trop. Mais à quoi pensait donc Chantal Jouanno en affirmant lors des élections sénatoriales de 2011 : "La droite à Paris, c'est la guerre des boutons avec des bazookas" ? Et Thierry Mariani, alors ministre des Transports, lorsqu'il décréta qu'il était "plus facile de pacifier la Libye que l'UMP" ? Mystère.
Humour vaseux. Il est des blagues qui passent plus difficilement que d'autres. Et pour cause. "Quand on m'appelle M. le ministre, confiait Frédéric Mitterrand en 2010, j'ai toujours l'impression que Jack Lang va surgir derrière moi !" Fâcheux. Brice Hortefeux s'était lui aussi illustré en décembre 2010 en ironisant, alors que des milliers de Franciliens étaient restés bloqués une nuit entière dans la neige : "Il n'y a pas de pagaille. La preuve, le préfet a pu venir en trois minutes."
L'absurde. "Je voulais voir les Antilles de vive voix." Difficile d'égaler Bernard Laporte ? Pensez-vous ! C'est sans compter le désormais célèbre "on ne peut pas s'entendre avec tous les ministres car tous les ministres ne peuvent pas s'entendre" d'Éric Besson ou la pirouette de Christian Estrosi : "Vous avez vu comme M. Sarkozy est populaire en forêt amazonienne ?"
Enfin, bien entendu, il y a les dérapages. Parfois charmants comme cette remarque de François Fillon : "Quand j'ai appris que Xavier Bertrand appartenait à la franc-maçonnerie, je ne me suis pas étonné de le découvrir maçon ; mais franc, ça m'en bouche un coin." Souvent discriminatoire, voire raciste ou même négationniste, pour certains ministres, le dérapage est même synonyme de sortie de route. Dérapages diplomatiques ou démêlés judiciaires sont à cet égard fort mal vus et sévèrement sanctionnés. C'est bien suite aux révélations de ses vacances tunisiennes que Michèle Alliot-Marie a été contrainte de démissionner en février 2011. La bourde peut en effet être fatale. En 1988, Léon Schwartzenberg, dont on se rappelle les déclarations iconoclastes sur le dépistage du sida et sur la toxicomanie, ne restera ministre délégué à la Santé que deux semaines ! Le journaliste Jean-Jacques Servan-Schreiber avait, lui, fait un peu mieux en 1974, tenant un mois au poste créé pour lui de toutes pièces, de ministre des Réformes, malgré ses déclarations fracassantes sur le nucléaire. Peut-être François Hollande n'a-t-il donc pas eu tort de rappeler les essentiels. La twittosphère, elle, en tout cas, reste aux aguets. Pour le meilleur... et pour le pire !