Ramener à la raison le "mouton enragé"
Certes, Nicolas Sarkozy semble se précipiter, à peine descendu de cet avion, de retour de Shanghai où il vient de donner une conférence de presse rémunérée (une de plus); certes l'ancien chef de l'État semble sortir bien tôt de sa réserve, lui qui, en ce moment, a d'autres "chats" judiciaires à fouetter.
Mais Nicolas Sarkozy n'a plus le choix : il faut sauver la maison UMP qui brûle, non seulement pour l'intérêt commun de la droite, mais aussi pour son intérêt particulier si, parfois, en se rasant (tous les trois jours), il se remet à penser à 2017...
Non, décidément, en déjeunant avec François Fillon, Nicolas Sarkozy ne montre pas une inclination particulière ; je pense même que c'est tout le contraire. Il veut ramener à la raison cette "brebis égarée", ou plutôt ce "mouton enragé" qui ne cesse de mordre, blessé qu'il est de se sentir berné par son rival, frustré qu'il se sent d'une victoire qui, au vu des sondages, lui semblait toute acquise.
Or, cette colère froide, cette déclaration de guerre contre la "mafia" des dirigeants de l'UMP qui auraient truqué le vote des militants risque de trouver son aboutissement catastrophique dans un procès que toute la droite "classique" semble désormais redouter.
Fillon va se faire houspiller
Nicolas Sarkozy sait qu'il a des chances de convaincre François Fillon. Car l'ancien président a beau ne pas être son "mentor", le candidat battu de la "droite sociale" pourrait bien retrouver ce lundi midi les fameux réflexes légalistes qui l'ont conduit, pendant le précédent quinquennat, à tout accepter de son "patron" le chef de l'État, malgré une certaine ambiguïté, cette dérive droitière de la campagne qui a conduit son camp à sa défaite et provoqué les premiers craquement de cette "fracture politique et morale".
Nicolas Sarkozy, c'est écrit d'avance, va le houspiller, le secouer, en un mot l'engueuler "comme avant", quand il le convoquait à l'Élysée ; il va l'accuser de vouloir faire le jeu de tous les adversaires du parti, le Front national de Marine Le Pen, le gouvernement de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault qui n'a plus d'opposition, mais aussi l'UDI de Jean-Louis Borloo.
Ainsi, il ne dira pas autre chose qu'Alain Juppé, le médiateur impuissant de la querelle Copé - Fillon, qui a lancé cet avertissement au micro de Jean-Michel Aphatie, ce lundi matin sur RTL:
"Les seuls vainqueurs de cette querelle, c’est dans un ordre qui n’est pas forcément l’ordre d’importance Marine Le Pen, le gouvernement qui est à l’heure actuelle très heureux vraisemblablement que l’attention se détourne de tous les cafouillages qu’on voit au niveau gouvernemental, et puis sans doute ceux qui veulent ressusciter l’UDF, par l’UDI interposée."
Des enjeux personnels et collectifs
L'ancien chef de l'État espère bien qu'il va retrouver son ascendant sur celui qui, depuis la défaite à la présidentielle, avait semblé et pour la première fois, prendre ses distances avec lui au point de laisser à Jean-François Copé le rôle de l'héritier auprès des militants. Il faut dire que les deux hommes partagent un pragmatisme mêlé à mes yeux d'un certain cynisme qui est toxique pour l'UMP comme pour la démocratie.
Pour cette raison d'abord, j'ai tendance à penser que François Fillon ne devrait pas céder aux pressions de Nicolas Sarkozy, au nom d'une certaine morale en politique.
Je crains également qu'un ticket à venir Copé - Sarkozy ne ferait que poursuivre la fameuse stratégie de la "droite décomplexée" mise en place par le candidat à la présidentielle sur les conseils de Patrick Buisson, son conseiller transfuge de l'extrême-droite.
Or, chacun sait que si cette méthode semble efficace auprès de militants déboussolés (Sarkozy affirme qu'il aurait battu Hollande avec une semaine de campagne supplémentaire et Copé a remonté son handicap sur Fillon à la présidence de l'UMP), elle ne fait que diviser davantage les Français.
La France a certes besoin d'une opposition forte, capable de critiquer la gauche au pouvoir si nécessaire, mais elle a aussi besoin d'une opposition digne. C'est tout l'enjeu de ce déjeuner, qui ne saurait se résumer aux intérêts particuliers de Fillon, Copé ou Sarkozy.
Même si je ne me fais pas trop d'illusions, j'espère que Fillon saura résister à la pression de son ancien chef. Et qu'il maintiendra sa plainte, quelles qu'en soient les conséquences. Car on ne doit pas transiger avec les principes.
