Tout est parti d’un nouvel appel au secours, ce samedi, du directeur du centre commercial V2: ce jour-là, pour la énième fois depuis plusieurs semaines, deux jeunes Bulgares ont été arrêtés en flagrant délit de vols de portables dans la galerie. Des faits qui s’ajoutent à une recrudescence de cambriolages dans le quartier du Triolo, voisin du campement de Roms de Lille I. Pour Gérard Caudron, maire de Villeneuve-d’Ascq et sa première adjointe, Maryvonne Girard, trop, c’est trop.
En ce dimanche matin, Maryvonne Girard aurait pu tranquillement savourer son petit-déjeuner en regardant le soleil se lever dans un joli ciel bleu. Mais sur les coups de 10 h 30, son sang n’a fait qu’un tour lorsqu’elle a été avertie que cinq caravanes venaient de s’installer, dans la nuit, sur une parcelle de la rue Breughel. « D’après ce que j’ai compris, ce sont des Roms qui viennent du campement de Lille I, mais il est hors de question qu’ils restent là, tonne-t-elle. Nous allons entamer la procédure d’expulsion et nous leur donnons 48 heures pour quitter les lieux. Sinon, j’irai moi-même les déloger avec les riverains. Ras-le-bol ! »
La solution paraît quelque peu extrême, mais elle traduit l’exaspération palpable des élus confrontés à la prise en charge d’une population rom de plus en plus nombreuse. En août dernier, après avoir assisté au démantèlement du campement de la rue Verte, derrière l’école d’architecture, la municipalité pensait en avoir enfin fini avec ce bidonville à ciel ouvert qui n’avait cessé de grossir pendant plus de quatre ans. Mais neuf mois plus tard, le problème n’a visiblement fait que se déplacer, puisqu’aucune solution concrète de relogement n’a été proposée aux familles. Ou alors, les communes sondées, comme Cysoing, se sont farouchement opposées à leur venue.
« C’est bien le problème, souffle Gérard Caudron. À chaque fois qu’on annonce une ville où pourraient s’installer quelques caravanes, cela déclenche une vague de manifestations et le projet tombe à l’eau. » Alors forcément, la situation n’évolue pas. Elle empire, même, à entendre le premier magistrat villeneuvois. « Aujourd’hui, la violence sur la ville n’a plus rien à voir avec ce qui se passait il y a deux ans, observe-t-il. Lorsqu’il est venu dernièrement, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, a parlé de réseaux organisés. On en est là. Ces gens savent qu’en plus, ils ne risquent rien et ne seront pas évacués ! »
« Sentiment d’impunité et effet de masse »
Derrière ces paroles, le maire vise directement Martine Aubry et la communauté urbaine qui, à l’entendre, n’ont pas pris les bonnes décisions ces dernières années. Fin 2010, la présidente de LMCU avait effectivement annoncé que les Roms installés sur des terrains communautaires ne seraient pas inquiétés. Une décision humaniste qui a eu un effet pervers : elle a provoqué une vague d’arrivées massives. « Si, à LMCU, pour des raisons politiques, on avait fait les bons choix, tout cela ne serait peut-être pas arrivé, souligne M. Caudron. À l’époque, on ne comptait que 600 Roms dans la métropole lilloise. Maintenant, ils sont 4 000 : le sentiment d’impunité a généré un effet de masse. Nous sommes pourtant dans une république. Quand quelqu’un s’installe n’importe où et fait n’importe quoi, il faut appliquer la loi ! »
Maryvonne Girard ne peut qu’approuver ces propos, elle qui passe de nombreuses heures chaque semaine en réunion avec les services de l’État et de police. Au final, le bilan de cette mobilisation est plutôt maigre, constate-t-elle. « Depuis huit jours, le nombre de cambriolages au Triolo explose. À V2, les commerçants n’en peuvent plus des vols. J’avais demandé des effectifs supplémentaires au commissariat de Lille, rien n’a bougé. » « On a beau multiplier les courriers et les réunions entre gens bien pensants, ça n’aboutit à rien, reprend Gérard Caudron. Personne ne se rend compte du niveau auquel nous sommes arrivés. Ce n’est plus possible. Les gens, exaspérés par cette situation, se tournent vers nous, élus locaux, parce qu’ils pensent que nous pouvons résoudre ces problèmes. Or, nous sommes complètement désarmés. On ne sait plus quoi dire, ni quoi faire et quand une machine se met en route comme ça, elle peut provoquer des réactions épidermiques des citoyens. Nous sommes dans une phase dangereuse… »