Jean-Louis Servan-Schreiber : La citation de Warren Buffet est plus qu’emblématique et je suppose qu’il l’a faite au deuxième degré. Certes, je suis d’accord avec lui quand il dit que les riches ont gagné mais je ne pense pas qu’ils aient gagné la lutte des classes car je pense qu’il n’y a plus de lutte des classes.
Les riches sont un sous-produit de la croissance et de l’augmentation globale de la richesse du monde. Depuis l’an 2000, celle-ci s’est accrue de 70%. Automatiquement, cette croissance a produit des riches mais cette croissance a également réduit la pauvreté dans des proportions plus rapides même que celles souhaitées par l’ONU. Les plus favorisés en ont, de leur côté tiré le meilleur parti. Dans une population comme la France, la richesse a différents aspects : les salaires élevés, les patrimoines importants, les rentiers, les entrepreneurs… Cette richesse se tient autour de 1% de la population. Ainsi, en France, on a 1% de riches, 14% de pauvres et 85% de classes moyennes. 12 millions de personnes sont millionnaires (en dollars) dont 500 000 en France. On est dans une richesse modérée car il suffit d’avoir un immeuble à Paris, par héritage ou une étude de notaire qui fonctionne bien pour être riche. L’image des riches que les médias véhiculent est associée à des symboles excessifs qui faussent la perception. La richesse commence à 7500 euros par mois ou à un million de patrimoine. Mais entre le notaire dont l’étude vaut un million et Warren Buffet, il y a u rapport de un à soixante mille. Les riches sont un monde incroyablement éclaté.
Nicolas Goetzmann: On peut effectivement distinguer deux approches différentes, soit en prenant en compte les personnes qui disposent d’un revenu issu de leur travail soit ceux qui disposent d’un capital leur permettant de figurer dans les 0,1%. Evidemment les deux phénomènes n’ont à peu près rien à voir.
L’inégalité entre les revenus du travail trouve sa source principale dans le système éducatif, et de l’inégalité réelle face à ce système. Une société qui base sa croissance sur un haut niveau d’expertise a besoin de salariés hautement qualifiés. Dès lors que le niveau de qualification est élevé, le salarié entre dans le cercle vertueux de la mondialisation, alors que la personne « en dehors » se retrouve totalement piégée. Le premier voit son salaire progresser de façon régulière, le second est en perpétuelle confrontation à la précarité.
Les 0,1%, c’est autre chose. Les détenteurs de capitaux profitent depuis le début des années 80 d’un virage économique majeur, qui a été la lutte contre la grande inflation des années 70. Alors que les politiques inflationnistes ont eu pour effet de donner le pouvoir aux revenus du travail par rapport aux revenus du capital (jusqu’à un certain point), le renversement de tendance a précipité la hausse des inégalités. Ce phénomène n’est pas une surprise. En désignant l’inflation comme adversaire numéro 1, vous acceptez de fait un niveau de chômage élevé. C’est ce chômage élevé qui va peser et donner la main forte à l’employeur, et au bout de la chaine au capital.
En quoi les riches ont-ils gagné ? Comment s'exerce le pouvoir des riches ? Grâce à qui les riches ont-ils gagné ?
Jean-Louis Servan-Schreiber : Les riches ont bien sûr gagné de l’argent, mais aussi du pouvoir. D’abord par affaissement des autres : les Etats ont moins, moins d’autorité, moins de moyens qu’avant. La démocratie classique vit une crise historique, profonde, durable, de son pouvoir. Le vieux schéma de Montesquieu ne tient plus beaucoup parce que l’exercice réel du pouvoir aujourd’hui se fait, par exemple, dans le cadre de ces cérémonies politiques que sont les conférences de presse. Là, on a les vrais protagonistes qui sont l’exécutif, les médias (qui sont ceux auxquels doit se confronter l’exécutif) et l’opinion (nourrie par les médias et dont les humeurs sont captées par les sondages ). Jamais, aujourd’hui, on aurait une telle solennité pour une séance d’explications à l’Assemblée nationale. La politique classique est affaiblie. Le pouvoir économique privé, entre les mains des riches devient le nouveau quatrième pouvoir après l’exécutif, les médias et l’opinion. Lors de la conférence de presse du 14 janvier, François Hollande a, implicitement, consacré le rapport entre le pouvoir économique et l'exécutif, les deux autres pouvoirs étant dans l’ombre.
Les riches sont un sous-produit de la croissance et de l’augmentation globale de la richesse du monde. Depuis l’an 2000, celle-ci s’est accrue de 70%. Automatiquement, cette croissance a produit des riches mais cette croissance a également réduit la pauvreté dans des proportions plus rapides même que celles souhaitées par l’ONU. Les plus favorisés en ont, de leur côté tiré le meilleur parti. Dans une population comme la France, la richesse a différents aspects : les salaires élevés, les patrimoines importants, les rentiers, les entrepreneurs… Cette richesse se tient autour de 1% de la population. Ainsi, en France, on a 1% de riches, 14% de pauvres et 85% de classes moyennes. 12 millions de personnes sont millionnaires (en dollars) dont 500 000 en France. On est dans une richesse modérée car il suffit d’avoir un immeuble à Paris, par héritage ou une étude de notaire qui fonctionne bien pour être riche. L’image des riches que les médias véhiculent est associée à des symboles excessifs qui faussent la perception. La richesse commence à 7500 euros par mois ou à un million de patrimoine. Mais entre le notaire dont l’étude vaut un million et Warren Buffet, il y a u rapport de un à soixante mille. Les riches sont un monde incroyablement éclaté.
Nicolas Goetzmann: On peut effectivement distinguer deux approches différentes, soit en prenant en compte les personnes qui disposent d’un revenu issu de leur travail soit ceux qui disposent d’un capital leur permettant de figurer dans les 0,1%. Evidemment les deux phénomènes n’ont à peu près rien à voir.
L’inégalité entre les revenus du travail trouve sa source principale dans le système éducatif, et de l’inégalité réelle face à ce système. Une société qui base sa croissance sur un haut niveau d’expertise a besoin de salariés hautement qualifiés. Dès lors que le niveau de qualification est élevé, le salarié entre dans le cercle vertueux de la mondialisation, alors que la personne « en dehors » se retrouve totalement piégée. Le premier voit son salaire progresser de façon régulière, le second est en perpétuelle confrontation à la précarité.
Les 0,1%, c’est autre chose. Les détenteurs de capitaux profitent depuis le début des années 80 d’un virage économique majeur, qui a été la lutte contre la grande inflation des années 70. Alors que les politiques inflationnistes ont eu pour effet de donner le pouvoir aux revenus du travail par rapport aux revenus du capital (jusqu’à un certain point), le renversement de tendance a précipité la hausse des inégalités. Ce phénomène n’est pas une surprise. En désignant l’inflation comme adversaire numéro 1, vous acceptez de fait un niveau de chômage élevé. C’est ce chômage élevé qui va peser et donner la main forte à l’employeur, et au bout de la chaine au capital.
En quoi les riches ont-ils gagné ? Comment s'exerce le pouvoir des riches ? Grâce à qui les riches ont-ils gagné ?
Jean-Louis Servan-Schreiber : Les riches ont bien sûr gagné de l’argent, mais aussi du pouvoir. D’abord par affaissement des autres : les Etats ont moins, moins d’autorité, moins de moyens qu’avant. La démocratie classique vit une crise historique, profonde, durable, de son pouvoir. Le vieux schéma de Montesquieu ne tient plus beaucoup parce que l’exercice réel du pouvoir aujourd’hui se fait, par exemple, dans le cadre de ces cérémonies politiques que sont les conférences de presse. Là, on a les vrais protagonistes qui sont l’exécutif, les médias (qui sont ceux auxquels doit se confronter l’exécutif) et l’opinion (nourrie par les médias et dont les humeurs sont captées par les sondages ). Jamais, aujourd’hui, on aurait une telle solennité pour une séance d’explications à l’Assemblée nationale. La politique classique est affaiblie. Le pouvoir économique privé, entre les mains des riches devient le nouveau quatrième pouvoir après l’exécutif, les médias et l’opinion. Lors de la conférence de presse du 14 janvier, François Hollande a, implicitement, consacré le rapport entre le pouvoir économique et l'exécutif, les deux autres pouvoirs étant dans l’ombre.



