Ça alors quelle surprise !...
«Nous sommes prêts dès maintenant» : Vladimir Poutine menace directement l’Europe d’une guerre
Publié le 02/12/2025 à 16h45, mis à jour le 02/12/2025 à 23h58
Le président russe a assuré mardi 2 décembre être prêt à la guerre contre l’Europe, alors qu’une nouvelle rencontre avec les émissaires américains à Moscou n’a abouti à «aucun compromis» sur les territoires occupés en Ukraine, selon le Kremlin.
Le doute n’existait plus vraiment. Mais les premières images vidéo du début de la rencontre mardi 2 décembre entre le président russe Vladimir Poutine et l’émissaire américain Steve Witkoff, diffusées par l’agence de presse russe RIA Novosti, sont édifiantes. On y voit les deux hommes, mais aussi Jared Kushner, le gendre du président Trump, tout sourire, faire assaut d’amabilités autour d’une table de marbre blanc ovale. A travers un interprète, voici Poutine qui se dit «tellement content de vous voir», alors que Witkoff, qui en est à sa sixième visite à Moscou en 2025, confie avoir fait «une très belle balade» dans Moscou, «cette ville magnifique».
Les images, diffusées sciemment, sont en contraste violent, et c’est bien entendu voulu, avec les propos tenus quelques minutes plus tôt par Vladimir Poutine. Pour la première fois sans doute aussi directement, le président russe n’a pas hésité à menacer l’Europe. «Nous n’avons pas l’intention de faire la guerre à l’Europe, mais si l’Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant», a-t-il assené sans ciller, quelques instants avant de discuter d’un possible plan de paix avec les émissaires américains pour mettre fin à la guerre. L’objectif est limpide : blâmer les Européens pour le manque d’avancées vers la fin de la guerre, entamée le 24 février 2022 par l’invasion à grande échelle des troupes russes en Ukraine.
Pourquoi ? Parce que les Européens ont eu l’outrecuidance de ne pas approuver son plan de paix. Il les a accusés de vouloir «empêcher» les efforts américains visant à mettre fin à la guerre. «Ils n’ont pas de programme de paix, ils sont du côté de la guerre», a-t-il ajouté, faisant allusion aux efforts des Européens pour modifier le plan de paix en 28 points, dévoilé le 21 novembre, dicté par les Russes aux Américains et que ces derniers avaient présenté comme un effort négocié. Ce plan, pour lequel ni l’Ukraine ni les Européens n’avaient été consultés, avantageait totalement la Russie.
Stratégie des menaces directes
Il prévoyait notamment l’abandon à Moscou de larges portions du territoire ukrainien, une réduction drastique des effectifs de l’armée ukrainienne et l’interdiction de toute entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Ils «sont vexés d’avoir été écartés des négociations, mais […] ils se sont écartés eux-mêmes, c’était leur initiative», a raillé le président russe, en marge d’un forum économique. Il a appelé les dirigeants européens à renoncer à l’«illusion» qu’ils peuvent infliger une «défaite stratégique à la Russie» et à «revenir à la réalité, en se basant sur la situation sur le terrain». Il a également affirmé que la Russie «élargira sa gamme de frappes contre les navires qui entrent dans les ports ukrainiens», après des attaques par Kyiv de deux pétroliers liés à Moscou dans les eaux territoriales turques en mer Noire. «Nous envisagerons des mesures de rétorsion à l’encontre des navires des pays qui aident l’Ukraine», a déclaré Vladimir Poutine, estimant aussi que «la mesure la plus radicale consisterait à couper l’Ukraine de la mer».
La réalité sur le terrain n’est pas aussi limpide que le laisse entendre Moscou. Lundi, le Kremlin avait annoncé la prise de Pokrovsk, verrou ukrainien dans le Donbass en raison de sa position stratégique, objet d’une bataille féroce depuis des mois. L’armée ukrainienne a pourtant catégoriquement démenti l’information et annoncé que les combats se poursuivaient. Ces derniers mois, chaque veille d’une rencontre diplomatique importante, la Russie a annoncé une victoire militaire sur le front, souvent démentie par les faits.
De fait, après environ cinq heures de discussions derrière les murs du Kremlin, le conseiller diplomatique du Kremlin a affirmé qu’aucun «compromis» sur les territoires occupés par la Russie en Ukraine n’avait été trouvé. «Aucune solution de compromis (sur les territoires) n’a encore été choisie, mais certaines propositions américaines peuvent être discutées», a indiqué Iouri Ouchakov à des journalistes, dont l’AFP.
Le conseiller a jugé les discussions «utiles» et «constructives», tout en précisant qu’il «reste encore beaucoup de travail» pour parvenir à un accord, une manière de dire que rien n’a vraiment avancé lors de cette journée. «Nous avons pu nous mettre d’accord sur certains points […], d’autres ont suscité des critiques, mais l’essentiel est qu’une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts», a ajouté Ouchakov.
Il a précisé que les discussions n’avaient pas porté sur des «formulations concrètes» d’un accord mais sur «le fond» et que plusieurs documents présentés à Moscou avaient été abordés, sans vouloir les détailler.
Les violentes menaces de Vladimir Poutine contre les Européens n’ont de fait qu’un seul objectif : profiter de l’incertitude de la position américaine et des liens étroits qui se sont tissés avec l’envoyé Witkoff, sur fond de potentiels futurs contrats commerciaux juteux, pour creuser un fossé entre les Etats-Unis et les Européens. Et isoler définitivement l’Ukraine. De fait, alors qu’il joue le négociateur offensé, prêt à accepter une seule et unique paix, la sienne, selon ses propres termes, le président russe a signé le 25 novembre dernier un décret présidentiel, intitulé «Politique nationale russe jusqu’en 2036», qui doit entrer en vigueur en janvier 2026. Ce décret invite les autorités russes présentes dans les territoires occupés en Ukraine à «adopter des mesures supplémentaires pour renforcer l’identité civique russe» et éradiquer l’ukrainienne.
Fait marquant, les Européens n’ont absolument pas réagi aux propos provocateurs et menaçants de Vladimir Poutine et sont restés muets. A Dublin, où il se trouvait en visite après Paris la veille, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a reconnu «avoir peur» que les Etats-Unis perdent leur intérêt pour l’Ukraine et plaidé pour une véritable fin de la guerre et pas «seulement une pause» dans les combats. «C’est le but de la Russie d’éteindre l’intérêt des Etats-Unis pour cette situation», a-t-il dit. De son côté, le président américain Donald Trump a reconnu avoir «un problème avec une guerre à laquelle nos émissaires tentent de mettre fin, avec la Russie et l’Ukraine». Ce n’est «pas une situation facile, laissez-moi vous dire, quel bazar !».
Mis à jour le 02/12/2025 à 23H56 avec fins des discussions à Moscou et premières réactions.
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