Pas content Manu.
Recadrage
«Entrisme» islamiste : Macron en colère, Attal dans la surenchère
Surexploité par Bruno Retailleau, le rapport sur les Frères musulmans a donné au chef de l’Etat l’occasion d’un recadrage, et à l’ancien Premier ministre d’un nouveau raidissement programmatique.
Pour l’heure, Bruno Retailleau ne préside «que» le parti Les Républicains. Au cours du conseil de défense consacré aux Frères musulmans, ce mercredi 21 mai dans la matinée à l’Elysée, Emmanuel Macron a poussé un coup de gueule contre la fuite dès la veille dans le Figaro du rapport qui devait servir de base aux discussions.
Le ministre de l’Intérieur, premier destinataire de ce texte commandé il y a un an à un préfet et à un ambassadeur, était visé par la colère présidentielle.
Sans le nommer, Macron a prononcé un petit sermon sur «le sens de l’Etat», incompatible avec les fuites dans la presse «sur un sujet aussi grave». «Il sait être glacial», commente un participant.
Dans un communiqué tout aussi chaleureux, le Palais a ensuite sommé le gouvernement de «formuler de nouvelles propositions» d’ici juin, insinuant que celles présentées mercredi n’étaient pas au niveau. Et que c’est bien lui qui reste aux commandes de la lutte contre l’islamisme, malgré sa perte de majorité à l’Assemblée l’été dernier.
«C’est un sujet sur l’unité nationale, qui croise les services de renseignement, la défense, l’intérieur et les affaires étrangères, donc c’est du domaine réservé», se barricade-t-on à l’Elysée, où l’on revendique l’antériorité du Président sur le sujet : discours en octobre 2020 aux Mureaux (Yvelines), loi séparatisme votée en 2021, et commande du fameux rapport sur les Frères musulmans il y a un an.
Lecture politique erronée
Voilà quelques jours que le Président et LR se disputent la paternité de la lutte contre un «entrisme islamiste». Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, s’est modestement présenté en «lanceur d’alerte» sur France 2 pour avoir privé de subsides le lycée privé sous contrat Averroès de Lille. Son homologue d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, a exhumé sur X une vidéo d’une interview de 2020 sur BFMTV dans laquelle elle s’en prenait déjà à «l’entrisme islamiste radical».
Bruno Retailleau a accusé les Frères musulmans de vouloir «faire basculer toute la société française dans la charia». «
Cette fois-ci, l’islamophobie franchit un seuil, a alerté Jean-Luc Mélenchon sur X. Un Conseil de défense autour du Président accrédite les thèses délirantes de Retailleau et de Le Pen. Ça suffit ! Vous allez détruire notre pays.»
En rupture avec la macronie, le député et ex-président de la commission des lois, Sacha Houlié dénonce une lecture politique erronée du rapport sur l’entrisme. Il y voit au contraire l’efficacité de la loi séparatisme, dont il était corapporteur, pointant par exemple la forte baisse des financements étrangers des Frères musulmans : «
On fait croire aux gens que la République est assaillie sans aucun moyen de se défendre, alors que ça a fait l’objet d’un débat parlementaire il y a quatre ans et qu’on s’est dotés de toutes les mesures utiles.»
«La guerre des chefs a commencé»
Gabriel Attal veut lui aussi sa part du gâteau médiatique. Le Parisien «s’est procuré» mardi les propositions régaliennes du parti Renaissance, qui doivent être détaillées la semaine prochaine. Avec une mesure choc : l’interdiction du voile dans l’espace public pour les jeunes filles de moins de 15 ans. «On m’a baptisé à six mois. Est-ce qu’on va interdire le baptême parce que c’est imposé ?» a répliqué sur France Info le député François Ruffin, critiquant une «alliance objective avec les islamistes, qui veulent séparer les musulmans de la République». Attal, lui, jure que Renaissance travaille avec «des juristes, des membres du Conseil d’Etat». Constitutionnelle ou pas, son idée a attiré à lui une replète meute de caméras ce mercredi à l’Assemblée. «Qu’est-ce qu’on fait ? On dit que ce n’est pas bien que des fillettes de 5ans soient voilées et on considère qu’il n’y a pas de mesures pour y répondre ? s’est-il rengorgé. Moi, je n’ai jamais accepté de m’y résigner.» Face à la percée sondagière de Bruno Retailleau, qui double en un mois et demi ses intentions de vote pour la présidentielle selon Harris Interactive, une surenchère à droite toute est en train de se dessiner.
«La guerre des chefs a commencé», s’amusait mercredi un proche d’Edouard Philippe face à toute cette agitation autour des Frères musulmans.
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