https://www.lesechos.fr/monde/asie-paci ... 6-PJEcnRbASous pression, Poutine tente de conjurer la récession
Pour la première fois, le président russe évoque publiquement le risque d'un retournement conjoncturel. La Russie entre dans sa troisième année de guerre, et les amortisseurs économiques semblent à bout de souffle.
L'économie s'impose comme le second front de Vladimir Poutine. Après avoir résisté aux sanctions occidentales et longtemps tenu grâce à l'effort de guerre, la Russie se heurte à un ralentissement marqué, à une inflation persistante, et à des tensions croissantes sur la ligne économique à suivre. Face au risque de récession, le président russe a fixé vendredi une ligne rouge : « Nous ne devons en aucun cas permettre à l'économie d'entrer en récession », a-t-il déclaré lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg.
Ce rendez-vous annuel majeur de l'élite politico-économique russe s'est transformé en lieu d'expression des inquiétudes. La veille, le ministre de l'Economie Maxime Rechetnikov avait tiré la sonnette d'alarme en affirmant que le pays était « au bord » de la récession si des décisions rapides n'étaient pas prises. Une fracture s'est exposée au grand jour entre les partisans du maintien d'une politique monétaire stricte et ceux qui appellent à une inflexion rapide.
Croissance en baisse et inflation en hausse
« Depuis le début de la guerre en Ukraine, l'économie russe a été placée en mode guerre. Anticipant les sanctions, le Kremlin avait mis en place un plan de résilience fondé sur des réserves en roubles et des partenariats avec des pays non occidentaux. Ce dispositif pouvait manifestement tenir deux ans. Or la Russie entre désormais dans une troisième année, sans filet de sécurité équivalent », observe Lukas Aubin directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste de la géopolitique de la Russie.
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Après deux années de résilience inattendue, la croissance a été divisée par trois en quelques mois, passant de 4,5 % au dernier trimestre 2024 à 1,4 % au premier trimestre 2025. La Banque centrale prévoit encore une progression du PIB de 1,8 % cette année, mais le FMI table plutôt sur 1,5 %.
Dans le même temps, l'inflation reste élevée, autour de 10 % en rythme annuel, selon les derniers chiffres publiés par Rosstat. Un niveau bien supérieur à l'objectif officiel de 4 %, et qui pèse directement sur le pouvoir d'achat des ménages russes comme sur la rentabilité des entreprises.
La politique monétaire sous pression
Face à cette dégradation, les critiques contre la Banque centrale se multiplient. Après avoir maintenu son taux directeur à 21 % pendant huit mois, l'institution l'a abaissé à 20 % début juin. Un ajustement jugé insuffisant par une partie du gouvernement et du patronat.
La gouverneure Elvira Nabioullina continue de défendre une ligne de fermeté, estimant que le ralentissement actuel est un ajustement nécessaire après une période de surchauffe. Mais la contestation s'organise. « Il est temps de baisser le taux et de commencer à relancer l'économie », a plaidé vendredi le vice-Premier ministre Alexandre Novak, mettant en garde contre le risque de « rater le moment opportun ». Il a qualifié la conjoncture actuelle de « douloureuse ».
Le rouble fort plombe la manne pétrolière
Parallèlement, le renforcement du rouble, soutenu par la politique monétaire restrictive, pénalise les exportateurs. Bien que les prix mondiaux du pétrole aient remonté, les recettes russes par baril restent inférieures de près de 30 % à celles du début d'année. Les hydrocarbures représentant près d'un tiers des revenus de l'Etat, la pression sur les équilibres budgétaires s'accentue.
La situation est d'autant plus délicate que les coûts sont libellés en roubles, tandis que les recettes sont perçues en devises. Ce déséquilibre fragilise la rentabilité du secteur énergétique. Selon Alexandre Novak, la vigueur du rouble « rend la vie plus difficile à l'industrie ».
la pétrole pas cher aura eu raison de son économie.....