https://www.bfmtv.com/economie/economie ... 60114.htmlExcédent budgétaire, croissance, désendettement... Comment les pays du "club Med" comme l'Espagne et le Portugal sont devenus les plus sérieux d'Europe
Longtemps en queue de peloton, l'Espagne et le Portugal ont réussi à redresser leurs comptes publics en quelques années. Ils affichent désormais des taux de croissance parmi les plus élevés de la zone euro.
Les "pays du club Med" seraient-ils en train de prendre leur revanche? Durement affaiblis après la crise de la zone euro il y a quinze ans, l'Espagne et le Portugal s'affirment depuis plusieurs mois parmi les économies les plus dynamiques du continent.
Une santé de fer confirmée par les indicateurs publiés ces dernières semaines. Avec une progression de leur PIB respectif de 3,2% et 1,9%, l'Espagne et le Portugal ont conservé en 2024 un niveau de croissance relativement robuste qui a de quoi faire pâlir leurs voisins, l'Allemagne (-0,2%) et la France (1,1%) au premier chef. Une performance qui tranche plus globalement avec la morosité de la croissance de la zone euro dans son ensemble (+0,9%).Au-delà de sa croissance, le Portugal détonne surtout sur le plan budgétaire après avoir dégagé l'an passé un nouvel excédent de deux milliards d'euros (0,7% du PIB, après 1,2% en 2023). Dans le même temps, sa dette publique a encore fondu pour s'établir à 94,9% du PIB. Soit 40 points de moins en seulement quatre ans!
De son côté, l'Espagne joue aussi les bons élèves avec un déficit public ramené à 2,8% du PIB en 2024, soit sous la fameuse barre des 3% fixée par les traités européens. Et ce malgré la reconduction de son Budget 2023 sur fond de désaccords politiques. Sa dette publique s'établit désormais à 101,8% du PIB, après un pic à 124,2% il y a trois ans. De quoi lui permettre de prendre ses distances avec les cancres européens en la matière, à savoir la Grèce (158,2%), l'Italie (135,3%) et la France (113%).
De l'intervention du FMI au "miracle économique portugais"
Rares sont ceux qui auraient misé sur ce scénario tant les deux pays de la péninsule ibérique reviennent de loin. Moins de quinze ans auparavant, le FMI volait au secours du Portugal, pris dans la tourmente de la crise de la zone euro, pour lui éviter la faillite. Tandis que l'Espagne, en à peine meilleure posture à l'époque, était autant montrée du doigt que son voisin pour la dérive de ses comptes publics.
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Le traitement aura été particulièrement lourd pour Lisbonne qui, en contrepartie du soutien du FMI, a dû mener "de vraies politiques d'austérité avec un ajustement budgétaire assez dur jusqu'à l'arrivée du Premier ministre socialiste Antonio Costa en 2015", rappelle Jésus Castillo, économiste chez Natixis. Une consolidation à marche forcée qui "s'est traduite par une baisse importante des investissements publics", confirme Guillaume Derrien, économiste chez BNP Paribas.
C'est alors le début du "miracle économique portugais". En 2015, l'austérité laisse place à la relance. La croissance renoue avec la moyenne de la zone euro, sans pour autant remettre en cause le redressement des finances publiques. Au même moment, l'Espagne suit une dynamique similaire: l'activité croît vigoureusement et Madrid retrouve la maîtrise de ses déficits.
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Le tourisme tire la croissance
Stoppées dans leur élan par l'émergence du Covid-19, les économies espagnoles et portugaises ont aussi été celles qui ont rebondi le plus vite au sortir de la pandémie. "Depuis 2022, les deux pays ont surperformé" avec "des taux de croissance supérieurs à celui de la zone euro", relève Lucie Barette, économiste chez BNP Paribas.
Une capacité de résilience qui tient en partie à leur forte dépendance au secteur des services (68% du PIB en Espagne, 75% au Portugal) et en particulier du tourisme qui ne cesse de battre des records depuis la fin de la crise sanitaire.
L'an passé, l'Espagne a encore vu sa fréquentation touristique progresser de 10% avec 94 millions de visiteurs. Du jamais vu et surtout une bonne nouvelle pour les caisses publiques qui voient les recettes s'envoler.
Face à cette croissance ininterrompue de l'activité, les entreprises s'appuient sur un "marché du travail très robuste" pour répondre aux importants besoins de main-d'oeuvre, indique Lucie Barette. En Espagne, celui-ci est surtout "alimenté par les flux migratoires qui permettent de pallier les pénuries de main-d'oeuvre", complète Jésus Castillo.
Entre juillet 2021 et juillet 2024, 40% des emplois créés dans le pays ont été pourvus par des étrangers, selon l'Insee. De quoi répondre au défi du vieillissement de la population -particulièrement préoccupant de l'autre côté des Pyrénées-, faire nettement baisser le taux de chômage -au plus bas niveau depuis 2008- et soutenir la consommation des ménages, principal moteur de la croissance. Lisbonne semble suivre la même stratégie alors que le gouvernement a annoncé la mise en place d'un visa délivré en 20 jours pour subvenir aux besoins croissants du marché du travail.
Une industrie et une énergie compétitives
Si elle pèse bien moins lourd que les services, l'industrie espagnole est particulièrement compétitive, ce qui l'a rendue plus résistante aux chocs récents.
Dans ce secteur, "le coût du travail reste significativement moins élevé, environ 20 à 25% moins cher" que dans les autres grandes économies de la zone euro "pour des niveaux de qualification assez proches", relève Jésus Castillo.
Surtout, le faible coût de l'énergie comparé aux pays voisins n'est pas étranger à la relative bonne tenue de la production industrielle espagnole qui a légèrement progressé en 2024, alors qu'elle a reculé en Allemagne, en Italie et en France. Cette énergie abordable, l'Espagne et le Portugal la doivent à une stratégie payante: "Ils misent sur la production d'énergies renouvelables, qui a assuré 71% de la consommation intérieure en électricité au Portugal en 2024", explique Lucie Barette. Grâce à ce mix énergétique, la péninsule ibérique a été "moins exposée que d'autres pays à la hausse des prix de l'énergie, en particulier du gaz russe, lors de l'invasionde l'Ukraine par la Russie", ajoute l'économiste.
Cette spécialisation dans les énergies propres ont fait de l'Espagne et du Portugal un pôle d'attraction pour les investissements étrangers dans les technologies vertes. "Le Portugal a récemment reçu un investissement de 2 milliards d'euros du fabricant de batteries chinois CALB pour installer sa giga-factory européenne", illustre Lucie Barette.
L'Espagne a de surcroît été le deuxième bénéficiaire du plan de relance européen qui lui a permis de soutenir l'investissement et en particulier "l'investissement productif autour de la transition énergétique et numérique", souligne Jésus Castillo.
Un dynamisme économique qui masque des faiblesses persistantes
Tout n'est pas rose pour autant. Bien qu'en nette baisse, le taux chômage reste élevé en Espagne, au-delà des 10%. Et même si la croissance est soutenue, c'est avant tout pour des raisons conjoncturelles, l'amélioration du solde budgétaire provenant essentiellement de l'augmentation des recettes. "Il y a eu structurellement peu d'efforts qui ont été faits" ces dernières années, rappelle Jésus Castillo. Un retournement de cycle pourrait donc rapidement inverser la tendance.
Les gains de productivité y sont également très faibles. Une caractéristique symptomatique des économies tertiarisées qui limite les revalorisations salariales et la croissance du pouvoir d'achat. En outre, "l'investissement productif en part du PIB reste assez faible", observe Guillaume Derrien. Même constat pour les investissements particulièrement modestes en recherche et développement. Autant d'obstacles au développement de l'Espagne et du Portugal.
Les deux pays sont enfin confrontés à une crise du logement aggravée par le recours à la main-d'oeuvre étrangère. Car si la population espagnole a atteint pour la première fois la barre des 49 millions d'habitants l'an passé, c'est essentiellement en raison de l'immigration.
Désormais, "il y a peu de logements disponibles à des prix accessibles dans les zones qui ont besoin de main-d'oeuvre", note Jésus Castillo.
Ce qui risque in fine de dissuader les travailleurs étrangers de venir en Espagne et renforcer les pénuries de main-d'oeuvre.
À court terme, les fondamentaux des deux pays restent malgré tout solides avec des croissances de 2,6% pour l'Espagne et 2,3% pour le Portugal attendues en 2025. Elles devraient ensuite "structurellement ralentir (...) mais rester soutenues", prédit Guillaume Derrien. D'autant que la spécialisation des deux économies dans les services les expose moins aux turbulences du commerce mondial dans un contexte de relèvement des droits de douane américains: "Je suis moins inquiet pour l'Espagne et le Portugal que pour d'autres pays de la zone euro. (...) Ils sont plus protégés des chocs internationaux", conclut Jésus Castillo.
les réformes libérales ont portés leurs fruits.....
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