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On peut remettre sans arrêt les mêmes trois citations, ça ne renforce pas le propos pour autant (t'as pas celle du dirigeant FLN vantant les mérites du colonialisme, ça doit faire trois messages que tu l'as pas cité ?). Durant la quasi totalité de la phase de conquête, les gouvernements étaient presque tous de droite. L'idée coloniale était largement trans-partisane et rassemblait autant des deux côtés, l'application en a été principalement le fait de la droite, bien aidée par certains politiciens de gauche, et surtout des lobbys financiers avides de matières premières. Une fois qu'on a dit ça, je ne vois pas bien ce que ça change en fait. Peu importe qui les a soutenu ou non, les crimes sont les mêmes.The Rat Pack a écrit : Désolé, c'est un peu long, mais ça "réajuste" les idées reçues...
La droite fut d'abord anti-colonialiste
Contrairement aux idées reçues, la droite française était d'abord, dans les années 1880-1890, farouchement opposée à l'entreprise coloniale en Afrique. Pour elle, la France devait choisir entre la « Revanche », impératif patriotique, et l'expansion coloniale, chimère détournant les Français de la « ligne bleue des Vosges ». Cet anticolonialisme nationaliste fut incarné entre autres par Paul Déroulède. Pour lui, jamais les colonies ne pourraient offrir une compensation à la perte de l'Alsace et de la Lorraine et c'est dans ce sens qu'il répondait à Jules Ferry : « J'ai perdu deux sœurs, et vous m'offrez vingt nègres ». Quelques années auparavant, en 1884, devant le Sénat, le duc de Broglie, sénateur monarchiste orléaniste et ancien président du Conseil affirma face aux postulats de Jules Ferry que « les colonies affaiblissent la patrie qui les fonde. Bien loin que de la fortifier, elles lui soutirent son sang et ses forces ». Cette volonté d'un choix, inévitablement selon la droite française de l'époque en faveur de l'Alsace-Lorraine, entre colonies et territoire national, est ainsi résumée par le député bonapartiste Paul de Cassagnac s'adressant en 1883 à Jules Ferry : « Au lieu de vous lancer à courir après des colonies nouvelles agrémentées de prétendus gisements d'or que vous ne connaissez pas, (...), et de prétendues mines de houilles que vous indiquez sur vos cartes fantaisistes pour que l'opinion publique vous accompagne dans cette aventure lointaine, la France vous dira de ne pas regarder si loin ; (...) c'est en France qu'il faut regarder, c'est la misère qui est en France qu'il faut soulager »39.
De même, le caractère anti-égalitariste du nationalisme intégral de Maurras fera de l'Action française une farouche opposante à la colonisation tout au long de son existence40.
Dès lors, une large fraction de la droite resta hostile à l'Empire colonial, tel le futur Général de Gaulle...
Une partie de la gauche a longtemps été colonialiste
Des républicains, des hommes de gauche, des laïcs militants furent des initiateurs de la colonisation, alors que toute la philosophie qui les animait reposait pourtant sur le contrat social. Pourquoi ? La réponse est claire : parce que la France républicaine avait un devoir, celui d’un aîné devant guider son cadet non encore parvenu à l’éclairage des Lumières.
Ainsi, dès le 18 mai 1879, Victor Hugo se faisait le chantre du colonialisme en prononçant un discours qui représente l'archétype même de la pensée colonialiste de gauche : « Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie, déserte c’est la sauvagerie ! (…) Allez peuples, emparez-vous de cette terre, prenez-la ! À qui ? À personne ! Prenez cette terre à Dieu ; Dieu donne l’Afrique à l’Europe ! Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille mais pour l’industrie (applaudissements prolongés). Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ! Croissez, cultivez, colonisez, multipliez, et que sur cette terre de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté (applaudissements enthousiastes..)41. » Le 25 juillet 1885, Jules Ferry déclare devant la Chambre : « Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. »
La réponse de Georges Clemenceau, certes isolé le 30 juillet 1885, est restée célèbre : « Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit ! Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! (...)42. » Quarante ans plus tard, Léon Blum affirmait pour sa part, toujours devant la Chambre : « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture, et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie43 ». Écoutons aussi Jean Jaurès, grande icône républicaine, dans son discours devant la Chambre en 1903 : « La civilisation [que représente la France] en Afrique auprès des indigènes, est certainement supérieure à l’état présent du régime marocain44 ». Ces citations sont autant de preuves d'une tendance qui aura duré jusqu'à la fin de la IVe République45.