latresne a écrit : ↑19 juin 2021 21:58
Oui ,oui ,je sais que tu maîtrises tt trés bien .C'est ta marque de fabrique d'ailleurs mais je te rappelle que jusqu'en 1848 ,plusieurs émeutes,parfois trés violentes ,tentèrent d'établir une République abolissant le suffrage censitaire,et ttes échouèrent "dans le sang",l'une d'elles est d'ailleurs mis en scène de façon spectaculaire dans les Misérables de Victor Hugo ,(le soulèvement de 1832).
Ah donc s'il y a eu ces émeutes c'est pour la démocratie ou la république ?
Déjà, on va commencer par poser un point assez central. Quelle cause n'a pas vu de gens mourir pour elle ? Par égard pour les légionnaires romains morts à Teutobourg, devons-nous reformer l’Empire ? Puisque de jeunes allemands, nazis convaincus, ont sacrifié leur vie pour défendre Berlin assiégée, nous devrions un certain respect à leurs idées ?
Le vote est quelque chose d'assez complexe, mais bon on va se concentrer sur le suffrage universel (masculin à l'époque, ce qui remet quand même en cause le caractère universel de la mesure mais passons).
En 1789, les révolutionnaires étaient loin de défendre l'idée d'un suffrage universel. L’idée était à l’époque que l’exercice de la politique, et par extension, le vote, nécessitait une certaine éducation. Et quel meilleur moyen de vérifier que quelqu’un est assez instruit que d’étudier ses revenus ? On considérait à l’époque, et ce serait le cas pour plus de cinquante ans, que la richesse était synonyme de responsabilité, et donc de compétences.
Tu parles du 19ème donc allons-y puisque visiblement ce n'est pas durant la révolution que de nombreux individus sont morts pour le droit de vote.
Le suffrage universel a été adopté la première fois en 1848. Le nombre de morts de la Révolution de 1848 est bien inférieur à celui des gens qui furent tués sur les barricades quelques mois plus tard, lorsque le gouvernement conservateur revint sur sa politique sociale. Cette fois-ci, donc, les gens ne moururent pas tant pour le suffrage universel qu’à cause de ceux qu’ils avaient élus grâce à lui. Paradoxe…
De même, lorsque le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fit son coup d’État, bien peu nombreux furent ceux qui, dans les classes populaires, se dressèrent pour soutenir une République qui les avait totalement déçu. Le passage à l’Empire autoritaire se fit dans une douceur, certes relative, mais assez nette pour être soulignée. Ceux qui critiquent les abstentionnistes devraient d’ailleurs se souvenir de cette leçon : ce n’est pas l’irresponsabilité de ceux qui détournèrent le regard qui est en faute, mais celle de ceux qui les avaient déçus.
Donc oui, il y a eu des morts pour le droit de vote mais il faut bien comprendre que le suffrage universel est l'oeuvre des élites et ils l'adaptèrent très vite à leurs besoins.
En bref, que ce soit pour s’abstenir ou pour voter, les arguments de fond existent et gagneraient à être utilisés. Celui, purement émotionnel, du respect dû aux morts, me semble en revanche totalement bidon.
"Etre de gauche c'est d'abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi; être de droite c'est l'inverse" Gilles Deleuze