Il s’agit d’une première pour un ministre de la Justice encore en exercice. Le garde des Sceaux, soupçonné de conflits d’intérêts dans deux dossiers différents, avait anticipé une telle décision.
Source:Le Parisien.
Éric Dupond-Moretti disait lui-même qu’il s’y attendait. Le garde des Sceaux, soupçonné de conflits d’intérêts, a été renvoyé en justice par la Cour de justice de la République (CJR) ce lundi.
L’ancien ténor du barreau, nommé à la tête de la Chancellerie à l’été 2020 et reconduit à ce poste après la réélection en mai d’Emmanuel Macron, était convoqué à 9 heures avec ses avocats devant la commission d’instruction de la CJR. Ses avocats ont d’ores et déjà annoncé qu’il se pourvoyait en cassation.
« Il appartient désormais à l’assemblée plénière de la Cour de cassation de se saisir de ce dossier et de se prononcer notamment sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé ce dossier depuis deux ans au premier rang desquels figure le positionnement atypique puisque déloyal et partial du procureur général près la Cour de cassation », François Molins, a commenté Me Rémi Lorrain, l’un des avocats du ministre.
La Cour de justice de la République, qui l’a mis en examen pour prise illégale d’intérêt en juillet 2021, a donc décidé de le faire comparaître devant sa formation de jugement, seule habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leur mandat.
Pour le ministre lui-même, dont les relations avec la magistrature sont notoirement difficiles, la décision ne faisait donc pas de mystère : il nous confiait, il y a dix jours, que son renvoi était « quasi assuré ».
Une première pour un ministre de la Justice:
Il s’agit d’une première pour un ministre de la Justice encore en exercice. « J’ai toujours dit que je tenais ma légitimité du président de la République et de la Première ministre et d’eux seulement », a-t-il toutefois déclaré mardi. Mais ce renvoi ne manquera pas de poser une nouvelle fois la question du maintien au gouvernement de l’ancien pénaliste.
Éric Dupond-Moretti est accusé d’avoir profité de sa fonction, une fois à la tête du ministère de la Justice, pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat, ce qu’il conteste. Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2021.
Le premier dossier concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier (PNF). Ils avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées (« fadettes ») quand Éric Dupond-Moretti était encore une star du barreau dans le but de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoutes dans l’affaire de corruption dite «Paul Bismuth».
Un vice-procureur du PNF, Patrice Amar, et son ex-patronne, Eliane Houlette, ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n’a été requise à leur encontre. La troisième magistrate mise en cause, Ulrika Delaunay-Weiss, a elle été blanchie avant toute audience devant le CSM.
Dupond-Moretti se défend:
Dans le second dossier,il est reproché au garde des Sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco,Édouard Levrault,qui avait mis en examen un de ses ex-clients.Éric Dupond-Moretti avait critiqué ses méthodes de cow-boy».
Le CSM a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner Édouard Levrault, estimant qu’ « aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché ». Cette décision a sonné comme un désaveu du ministre.
Tout au long de l’enquête, Éric Dupond-Moretti a répété n’avoir fait que « suivre les recommandations de son administration ». Un argument qui n’a guère convaincu le ministère public, celui-ci ayant requis en mai un procès contre le ministre.
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