Plus de vingt organisations liées à la défense des droits des étrangers s'indignent de «la disproportion des moyens utilisés» pour placer en rétention et expulser les personnes en situation irrégulière.
Source:Libération.
Avec leurs cours grillagées, ces centres ressemblent un peu à des prisons, puisqu’on n’a pas le droit d’y entrer et d’en sortir à sa guise. Mais les personnes qui y sont placées n’ont commis aucun méfait, si ce n’est d’être présentes sur le territoire français sans autorisation. L’an dernier, 45 000 personnes sont passées par un centre de rétention administrative (CRA) ou une zone d’attente, sans pour autant être toutes expulsées.
Début juin, six associations intervenant en CRA s’inquiétaient dans un rapport du durcissement de la politique migratoire et de l’allongement, voté l’année dernière, de la durée maximale de rétention à 90 jours, qui risquait selon elles d’augmenter les tensions dans les CRA. «Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, on voit une intensification de l’usage de la rétention. Le gouvernement a banalisé l’enfermement, avec une logique d’affichage qui consiste à vouloir massivement éloigner et qui marche très mal», expliquait David Rohi, de la Cimade, à Libération.
Grèves de la faim:
Cette semaine, plus de vingt associations ont adressé au ministre de l’Intérieur un courrier (lire ci-dessous), où elles s’inquiètent de la multiplication des suicides, grèves de la faim et des cas d’automutilation dans les CRA, de l’augmentation du taux d’occupation des centres et du difficile accès aux soins, en particulier psychiatriques, dans ces lieux où les personnes retenues restent deux semaines en moyenne.
«Le gouvernement fait le choix d’utiliser l’enfermement en rétention comme outil d’une politique d’expulsion banalisant la privation de liberté des personnes étrangères à travers des instructions aux préfet·e·s qui viennent aggraver celles de vos prédécesseurs», écrivent aussi le Syndicat de la magistrature, la Cimade, Médecins du Monde, le Gisti, le Secours catholique, le Secours islamique, CCFD-Terre Solidaire, la Fédération des acteurs de la solidarité, Emmaüs Solidarité, et les autres.
«Traumatisme»:
Les associations attirent en particulier l’attention du patron de Beauvau, dont le cabinet n’a pas répondu à Libération, sur le sort fait aux enfants : «Dans ces lieux de privation de liberté, le nombre de familles avec enfants a fortement augmenté. En 2018, 1 221 enfants ont subi ce traumatisme à Mayotte. En métropole, 208 enfants ont été enfermés, soit huit fois plus qu’en 2013. […] Quel que soit leur âge, tous et toutes subissent la violence de l’enfermement et de la rupture soudaine avec leur quotidien, leur école et leurs proches.»
Mardi après-midi, lors d’une séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur a cependant répondu à une députée socialiste qui l’interrogeait à ce sujet : «Cela doit rester exceptionnel et dans des lieux spécialisés pour être en capacité d’accueillir l’ensemble de la famille, qui ensuite doit être renvoyée à la frontière ou ramenée dans le pays d’origine.» Loin d’ouvrir la voie, donc, à l’interdiction de la retenue administrative des enfants, une pratique condamnée entre autres par la Cour européenne des droits de l’homme, le Défenseur des droits et le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.
https://www.liberation.fr/france/2019/0 ... er_1736072