...........................................Législatives: LR entre sauvegarde et calculs.
Après son échec cuisant à la présidentielle, la droite peut espérer conserver un nombre important d’élus sans pour autant crier au triomphe.
Le résultat devait être déterminant. Il n'a pas été concluant...
Pour le parti Les Républicains, engagé dans cette élection pour sa survie, le premier tour de l'élection législative n'est pas la défaite annoncée, sans être pour autant une franche victoire. Avec près de 11 % des suffrages exprimés, LR risque de passer de 100 députés élus en 2017 à moins de 80 sièges, selon les projections d'Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions et Radio France.
Un net affaiblissement, mais la promesse de maintenir un groupe important à l'Assemblée nationale, ainsi que la possibilité de peser si Emmanuel Macron – crédité de 255 à 295 sièges – ne devait pas hériter d'une majorité absolue. « Nos députés vaudront de l'or », se prend à rêver un membre de LR.
Les résultats en provenance des circonscriptions de l'étranger avaient été une première alerte, en début de semaine. L'alliance de gauche Nupes y réalise une percée alors que certains candidats LR et UDI ne dépassent pas le seuil de 11 % des suffrages exprimés. De quoi susciter la crainte au siège du parti, où, après la mauvaise surprise du score de Valérie Pécresse – 4,8 % à l'élection présidentielle –, Les Républicains avaient pris l'habitude de s'attendre au pire. « J'en ai un peu assez de la défaite triomphante », confiait il y a peu un ténor de droite, habité par le doute à quelques jours d'un scrutin décisif. Mais c'est finalement avec un certain soulagement que la droite a accueilli ses premiers résultats, dimanche soir.
Le pari de l'ancrage local laissant espérer la possibilité pour nombre de sortants de réussir là où les candidats de la majorité apparaissent souvent comme les plus faibles. À l'instar d'Aurélien Pradié, qualifié en tête du premier tour avec environ 45,5 % face à la représentante de la Nupes, Elsa Bougeard, arrivée deuxième à 22,26 %.
Mécanique des blocs:
La droite s'attend néanmoins à perdre la présidence de la commission des Finances, qu'elle occupait depuis 2012 et la victoire de François Hollande. Celle-ci revient par tradition républicaine au premier groupe d'opposition, et pourrait échoir à un représentant de la Nupes si la gauche rassemblée devait confirmer sa percée. Une perte attendue mais symbolique, au point que les représentants de LR minimisaient déjà l'ampleur de ce recul peu avant le vote :
« Ce n'est pas à nous d'en décider, mais, si les législatives sont un signal politique, si l'on obtient un groupe conséquent et si ce signal se traduit en voix, cela veut dire que l'avenir des Républicains est radieux », promettait Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, rappelant au passage que certaines projections annonçaient seulement 30 à 40 députés LR.
Dimanche soir, interrogée sur France 2, Rachida Dati affirmait : « La France, dans ses valeurs, est majoritairement à droite. » Avant d'ajouter, si les électeurs devaient leur renouveler leur confiance : « Nous serons un bloc de responsabilité et décisif à l'Assemblée. » D'autant que la droite conserve la majorité à la Haute Assemblée, où elle a la possibilité d'amender les textes soumis par le gouvernement, voire de s'opposer à certaines réformes.
Bloc contre bloc, la composition de la future Assemblée promet en effet des débats agités. À cet égard, Les Républicains espèrent continuer à incarner une forme d'opposition « raisonnable ». « Nous allons probablement nous retrouver avec une Assemblée très différente de ce qu'est la réalité du pays », imaginait dès dimanche soir François-Xavier Bellamy.
« Dans une France majoritairement à droite, les deux groupes les plus importants seront l'extrême gauche et le pouvoir en place », expliquait ce député européen, qui entrevoit la possibilité de faire exister une droite de gouvernement : « LR est le seul parti qui réussit la performance de faire nettement mieux que son score à la présidentielle. »
Interrogé dimanche soir, son président, Christian Jacob, faisait valoir que les futurs élus LR seraient certes « constructifs », mais fermes dans leur opposition. Aujourd'hui, lundi 13 juin, a lieu un comité stratégique où les options qui s'offrent à LR doivent être tranchées.
« Nous n'avons pas réussi à nous frayer un chemin »:
Car de la composition du groupe à l'Assemblée dépend aussi la prochaine « refondation » de la droite envisagée par ses dirigeants. « Est-ce que ce seront surtout des députés du Sud qui seront élus dans des zones où Le Pen réalise ses meilleurs scores ou est-ce que ce seront des élus qui auront rapatrié des voix de chez Macron ? Ce n'est pas la même ligne politique à l'arrivée », envisageait Roger Karoutchi en amont du premier tour.
Au vu des résultats, Les Républicains peuvent espérer se maintenir dans certains bastions, comme en Moselle, dans le Bas-Rhin ou en région Auvergne-Rhône-Alpes, le fief de Laurent Wauquiez. Quant à la présidence d'un futur groupe, elle fera l'objet de toutes les attentions après que Damien Abad l'a quittée pour rejoindre les bancs du gouvernement.
Reste les battus dès ce premier tour de scrutin, souvent en raison d'un contexte national défavorable et faute d'un ancrage local. Candidat à Chartres sous l'étiquette LR, Ladislas Vergne regrette de voir le RN si haut, à presque 19 % : « Nous n'avons pas réussi à nous frayer un chemin », reconnaît-il alors qu'une dissidente LR se présentait face à lui. Quant à Guilhem Carayon, le président des jeunes LR, il ne se qualifie qu'à la troisième place malgré une certaine exposition médiatique.
D'autres, comme Guillaume Larrivé, député de l'Yonne, qui appelait à un pacte de coalition avec Emmanuel Macron, sont aussi défaits dans les urnes. Tout comme Julien Aubert, sur une ligne plus droitière, député sortant du Vaucluse, et l'un des espoirs de la droite. Dimanche soir, le président de la République invitait ses troupes à « l'humilité » au vu des premiers résultats.
Au siège de LR, rue de Vaugirard, où les lumières étaient encore allumées tard le soir, on veillait à rester lucide dans la perspective du second tour, dimanche 19 juin : « Tout cela nous invite à la modestie. »
Source:Le Point.