http://www.challenges.fr/economie/20130 ... tor=RSS-81Accord libre-échange UE-USA : la France menace d'un veto
La France est prête à bloquer tout accord pour défendre l'exception culturelle et l'audiovisuel face à plusieurs pays européens qui privilégient le développement des échanges avec la puissance américaine.
Les discussions s'annoncent difficiles, vendredi, entre Européens pour le lancement des négociations commerciales avec les Etats-Unis, la France étant prête à bloquer tout accord pour défendre l'exception culturelle et l'audiovisuel face à plusieurs pays qui privilégient le développement des échanges avec la puissance américaine. Les ministres du Commerce des 27 doivent tenter de se mettre d'accord sur le mandat confié à la Commission pour négocier un méga-accord de libre-échange avec Washington.
Mais deux jours avant cette réunion cruciale, le Premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, a menacé d'un veto de la France pour garantir l'exception culturelle.
Paris craint qu'un accord avec Washington ne mette en péril la création, la diffusion et le financement des films européens. La France souhaite donc que le secteur audiovisuel soit clairement exclu des négociations.
"Entre l'industrie audiovisuelle américaine, qui est largement soutenue par des investissements massifs aux Etats-Unis, et les industries européennes dans le domaine de l'audiovisuel ou du cinéma, ça va être la lutte du pot de fer contre le pot de terre", résumait récemment la ministre française de la Culture, Aurélie Filipetti.
L'Allemagne, l'Espagne et l'Italie rallient la position française
Quatorze ministres de la Culture européens, dont ceux de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie, ont rallié la position française et cosigné une lettre adressée à la Commission européenne pour demander que l'audiovisuel soit exclu des négociations. Le Parlement européen, sans l'approbation duquel aucun accord ne pourra entrer en vigueur, est lui aussi sur cette ligne soutenue par de nombreux artistes.
Mais "de plus en plus d'États membres ont pris conscience ces dernières semaines du fait qu'il n'y avait pas besoin d'exclure tout le secteur audiovisuel" des négociations, affirme une source européenne, laissant entendre que la France se retrouve isolée. Or, les Européens se doivent de présenter un front uni pour aborder les négociations.
Pour tenter de convaincre Paris, un projet de mandat a été élaboré qui n'exclut pas l'audiovisuel du champ des négociations, mais tente de fixer des lignes rouges autour de ce secteur.
Les subventions au secteur audiovisuel et les quotas seraient protégés et pourraient ensuite être adaptées aux nouveaux modes de diffusion, tels que la vidéo à la demande ou la télévision sur internet.
Insuffisant, ont répondu les Français, inflexibles.
Craintes sur la réaction des Américains
Cette position est dangereuse, estiment des négociateurs, car les Etats-Unis pourraient à leur tour demander d'exclure des domaines sensibles comme les marchés publics, les services financiers ou le transport maritime.
"Commencer la négociation en enlevant des secteurs de la table serait une mauvaise politique" car "cela aurait un coût, pour protéger un secteur qui n'a pas besoin de l'être davantage" par rapport à ce que propose Bruxelles, renchérit une source européenne.
En cas d'échec des discussions vendredi, les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pourraient reprendre la main lors de leur sommet fin juin. Mais ce serait un signal évident de désunion qui affaiblirait la position des Européens face aux Américains avant même le début des négociations.
Les ministres du Commerce doivent aussi faire le point vendredi sur les rapports de l'UE avec la Chine, alors que le spectre d'une guerre commerciale se profile. Là encore, les Européens se montrent très divisés sur une initiative de Bruxelles, qui a décidé d'imposer des taxes provisoires sur le solaire chinois pour protéger l'industrie photovoltaïque du continent.
Bilan sur les négociations commerciales avec le Canada
La France y est très favorable et veut même imposer des mesures permanentes à la fin de l'année. Mais l'Allemagne, premier partenaire commercial de la Chine, s'y oppose fermement.
"Au plus tard dans six mois, ce sont les Etats membres qui vont décider (...) et on verra très vite que la majorité d'entre eux est favorable à des négociations" et non à des sanctions commerciales contre la Chine, a affirmé mardi le ministre allemand de l'Economie, Philipp Rösler.
Les Européens feront également le point sur les négociations commerciales avec le Canada, qui patinent, et discuteront sur la façon de renforcer les normes sociales au Bangladesh après l'effondrement fin avril d'une usine qui a fait plus de 1.100 morts et mis en évidence des conditions de travail déplorables.
Si on veut que le modèle culturel et artistique français reste vivace, conserver une industrie musicale, un cinéma ou encore un secteur audiovisuel dynamique, créatif, il faut s'opposer à ces accord, défendre l'exception culturelle française. Sinon, l'industrie US de l'entertainment va nous submerger...