suite:Analystes et spécialistes dans la géolocalisation des images penchent, pour l’heure, vers un tir de roquette en provenance de Gaza. Sans pour autant être complètement affirmatifs.
Guerre Hamas-Israël : des dizaines de morts et non des centaines à l’hôpital de Gaza, selon un responsable du renseignement européen
Moyen-Orient
18 oct. 2023
Depuis hier, Israéliens et Palestiniens se renvoient mutuellement la responsabilité du tir meurtrier. Le Hamas, à l’origine des attaques terroristes du 7 octobre, nie toute implication dans l’explosion qui a touché le bâtiment hospitalier. Dans un communiqué de presse, le mouvement islamiste accuse Israël, dénonçant un «crime de génocide qui révèle à nouveau l’affreux visage de l’ennemi criminel et de son gouvernement terroriste et fasciste».
Ce mercredi matin, l’armée israélienne a fait porter la responsabilité de l’événement sur le Jihad islamique, un autre groupe armé palestinien. Le porte-parole militaire Daniel Hagari a ainsi déclaré en conférence de presse : «Les preuves, que nous partageons avec vous tous, confirment que l’explosion dans un hôpital de Gaza a été causée par le tir d’une roquette du Jihad islamique ayant échoué.» Une accusation démentie par le Jihad islamique, qui a, à son tour, accusé Israël, selon l’AFP.
Différentes séquences (dont certaines erronées, comme par exemple une vidéo horodatée une heure après l’événement), ont été brandies depuis mardi soir pour justifier le fait que la frappe serait un tir israélien, ou un raté des groupes armés palestiniens.
Mais nombre d’analystes en sources ouvertes (Osint) reconnus penchent, à l’heure actuelle, en faveur d’une explosion causée par une roquette tirée du côté palestinien, et non d’une frappe israélienne. Le tout avec une très grande prudence, étant donné le nombre de questions en suspens.
L’explosion de l’hôpital semble concomitante avec un tir de roquettes depuis Gaza
Parmi les multiples images diffusées depuis hier, une vidéo est au cœur des analyses. Elle est issue d’un live de la chaîne Al-Jezira et a été captée à 18 h 59, heure locale (17 h 59, heure française). Elle est tirée d’une caméra située à l’ouest de l’hôpital, qui regarde donc vers le sud-ouest, comme on peut le voir sur cette géolocalisation du compte X geoconfirmed.
Les images montrent un projectile s’élever dans les airs, avant d’exploser dans le ciel gazaoui. Quelques secondes plus tard, une nouvelle explosion apparaît au sol, puis une troisième, plus grosse, également au sol. Cette dernière explosion – géolocalisée – est celle qui a touché l’hôpital, comme l’ont établi différents analystes.
Ainsi, Benjamin Pittet du compte @COUPSURE (ici et là) a démontré que le zoom de la caméra permet de déceler l’arbre entre les bâtiments de l’hôpital, et les panneaux solaires qui surplombent les locaux du centre de soin.
Mais pour les commentateurs, cette vidéo prouverait surtout que l’explosion de l’hôpital survient au moment d’un tir de barrage de roquettes en provenance de Gaza. En effet, à la toute fin de la vidéo d’Al-Jezira, la caméra semble faire un mouvement vers la gauche, plus au nord, montrant quatre autres lueurs s’élever dans les airs. Sans qu’il soit possible d’affirmer que le premier projectile provenait du même endroit que les suivants.
Le compte officiel de l’Etat israélien a diffusé une autre vidéo censée conduire à la même conclusion. Il s’agit d’une séquence d’une douzaine de secondes, diffusée par la chaîne israélienne N12. Si la séquence n’est pas précisément géolocalisée, la chaîne déclare qu’elle a été tournée à Netivot, en territoire israélien, à l’est de la bande de Gaza, donc avec un angle de vue opposé à la première vidéo. On y voit un tir de plusieurs projectiles, suivi d’une explosion présentée comme étant celle de l’hôpital – ce qui ne nous a pas été possible de corroborer, à cette heure, de manière indépendante. La vidéo étant supposément tournée depuis l’est, ces tirs auraient lieu à l’ouest, c’est-à-dire dans la bande de Gaza. Notons que dans cette brève vidéo, le flash lumineux produit par la roquette dans la vidéo d’Al-Jezira n’est pas visible. A l’image, un horodatage affiche 18 h 59, soit une heure très voisine de l’explosion à l’hôpital. Toutefois, nous n’avons pas pu confirmer l’exactitude de l’horodatage affiché à l’écran.
Une troisième vidéo tirée d’une caméra de surveillance, et relayée par le journaliste du Times of Israel Emanuel Fabian, est supposée montrer l’événement depuis le village de Netiv Haasara (à l’extrême nord de la bande de Gaza, côté israélien, à proximité du check-point Herez). Des éléments à l’image permettent de confirmer le lieu de la prise de vue. En outre, Manuel Fabian a publié l’horodatage de la séquence, qui correspond apparemment à celui du live d’Al-Jezira. Dans cette séquence, on peut voir un important tir coordonné de roquettes, partant de la droite de l’image, donc de l’ouest de la bande de Gaza. Et donc du territoire palestinien, l’enclave étant bordée à l’ouest par la mer. Près de vingt secondes plus tard, une déflagration a lieu au niveau du sol. La synchronisation de la vidéo diffusée par Manuel Fabian avec celle d’Al-Jezira suggère qu’il pourrait s’agir des mêmes évènements. Toutefois, dans la séquence prise depuis Netiv Haasara, le flash lumineux produit par la roquette n’est pas visible – empêchant de conclure quant au fait que les deux séquences montrent bel et bien la même explosion.
Roquette interceptée, dysfonctionnelle ou tir direct ?
Pour quelle raison une roquette serait-elle tombée sur l’hôpital ? Sur ce point, plusieurs explications ont été avancées. Sans qu’aucune ne soit conclusive. La vidéo d’Al-Jezira montre ce qui semble être un projectile s’élevant dans les airs, avant d’exploser dans le ciel gazaoui. Six secondes plus tard, une première explosion a lieu au sol en arrière-plan, avant une seconde qui est donc celle de l’hôpital.
Cette séquence a parfois été analysée comme pouvant montrer l’interception par un missile du système de défense israélien d’une roquette palestinienne, dont une partie serait ensuite tombée sur l’hôpital. Cette hypothèse a initialement été avancée par Evan Hill du Washington Post, ou par l’expert danois Oliver Aleksander. Toutefois, ce dernier a fini par se ranger du côté de ceux qui jugent que l’événement «ressemble plus à une panne de moteur de fusée qu’à une interception».
«Après la panne du moteur-fusée, note-t-il, la fusée se désintègre. Une pièce atterrit en premier, provoquant une petite explosion, probablement une partie du moteur. L’ogive atterrit ensuite sur l’hôpital, provoquant une explosion plus importante.»
L’hypothèse d’un dysfonctionnement rejoint la version de l’armée israélienne. Le porte-parole de Tsahal, Daniel Hagari, a ainsi affirmé que le drame avait été causé par un «raté» lors d’un tir de roquette depuis l’intérieur de Gaza, déclarant que «le propulseur de la roquette s’était enflammé et avait provoqué l’explosion».
A noter que le journaliste du Washington Post spécialisé en Osint, Evan Hill, a également partagé, après l’avoir authentifiée, une vidéo de l’explosion, cette fois au niveau de l’hôpital. Celle-ci est filmée depuis le sol. On y entend le vrombissement d’un objet arrivant visiblement à grande vitesse, avant de visualiser l’impact, dont se dégagent immédiatement des flammes et un nuage de fumée.
Le son suggère-t-il que le projectile était encore propulsé au moment de l’impact ? Interrogé par Check News, un spécialiste de l’analyse de frappes explique que «cela ressemble bien à une bombe en train d’arriver, mais selon la taille, la forme et la vitesse de ce qui a frappé l’hôpital, d’autres choses pourraient produire un son similaire».
Les images de l’hôpital après d’explosion infirment l’idée d’une frappe aérienne
Pour démentir son implication dans la frappe, l’armée israélienne a également publié une vidéo aérienne montrant les dégâts causés sur l’hôpital avant et après. Elle indique que les dommages causés par «le tir raté d’une roquette par l’organisation terroriste du Jihad islamique» ont eu lieu sur le parking de l’établissement et souligne qu’ils ne montrent «aucun signe visible de cratères ou de dommages significatifs aux bâtiments», en les comparant notamment «aux exemples de cratères causés par les munitions l’armée de l’air israélienne». L’analyse de Tsahal indique que les dégâts ne concernent principalement que le parking et partiellement les toits de deux bâtiments.
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