papibilou a écrit : ↑18 novembre 2023 18:29
Ce n'est pas une réponse sérieuse à la question posée. Zemmour ne consteste pas que Pétain air signé des lois ignominieuses contre les juifs mais qu' il a refusé d'arrêter les juifs français pour les remettre aux allemands. Je vous ai donné la raison pour laquelle ce débat ne peut être tranché, croyez moi.
Vous voulez une réponse sérieuse et bien prenez le temps (long) de lire ça :
Déportation des Juifs en France sous l’occupation. Légendes et réalités
Georges Wellers
Dans Le Monde Juif 1980/3 (N° 99), pages 75 à 108
La persécution des Juifs s’inscrit parmi les actions les plus déshonorantes du régime de Vichy. C’est, sans doute, la raison pour laquelle les tentatives de diminuer la gravité du crime commis, ont donné lieu à une série de légendes. Leur inventeur est Pierre Laval lui-même qui, le premier, les a formulées clairement lors de l’instruction de son procès en 1945, en écrivant : «
J’aurais accepté d’être jugé par un jury de Juifs français. Eux, mieux que d’autres, sans doute, comprendraient aujourd’hui ce qui leur serait advenu, si je ne m’étais pas trouvé là pour les défendre » (1).
Cette déclaration répond à la légende selon laquelle le gouvernement de Vichy pris à la gorge par les Allemands a été obligé de consentir des sacrifices destinés à « limiter les dégâts », notamment « en sauvant les Juifs français » de la déportation.
On nous explique que si dès le début de son installation, le 10 juillet 1940, le régime de Vichy adopte l’antisémitisme comme doctrine de l’Etat, il fait constamment une nette différence entre les Juifs français d’une part et les Juifs étrangers ou apatrides d’autre part. On est décidé à Vichy — nous dit-on — de sacrifier aux Allemands les seconds pour mieux défendre et finalement sauver les premiers de la forme la plus grave de la persécution : la déportation.
Cette façon de présenter les événements est basée sur le fait qu’en juin-juillet 1942 le gouvernement de Vichy a refusé aux Allemands la déportation des Juifs français et qu’en août 1943 il a refusé de décréter la dénaturalisation collective de Juifs naturalisés français depuis 1927.
Ces deux affirmations sont-elles exactes ?
Voici les faits qu’on présente à l’appui des deux aspects de la thèse du « sauvetage des Juifs français » par Vichy.
...
Les Juifs Français Ont-Ils Eté Réellement Sauves Par Vichy ?
Il est temps d’examiner la question fondamentale, celle des résultats obtenus par Vichy à la suite de l’accord du 4 juillet 1942 destiné à « sauver les Juifs français en sacrifant les étrangers », comme le dit la légende qui, d’ailleurs, laisse entendre que les Juifs français ont été effectivement et totalement ou presque, « sauvés » par Vichy.
Voici le tableau par nationalités de 67.073 déportés du seul camp de Drancy couvrant les trois ans de son existence et qui a échappé à la destruction des archives du camp ordonnée par Brunner, en août 1944, au moment de sa fuite (39). Ce tableau a été conservé par Me Etlin chargé de le tenir pendant sa captivité à Drancy où les changeantes vicissitudes concernant le sort des Juifs de nombreuses nationalités tantôt « déportables » et tantôt « libérales » a nécessité d’avoir à jour un fichier d’internés et de déportés par « nationalité ». Ce document de l’époque a été déposé au C.D.J.C. le 16 mars 1945. Le nombre de personnes qui y figurent représente 88,6 % du nombre total de déportés juifs de France, à l’exclusion de quelques convois qui ont été acheminés en Pologne directement des camps du Loiret, d’Angers et de celui de Royal-Lieu (Compiègnes) sans passer par Drancy. D’après Me S. Klarsfeld le nombre de personnes qui, pour cette raison, ne figurent pas dans ce tableau, est de 9.773 déportés parmi lesquels « environ 6.000 Polonais, 1.300 Français, etc. » (40) Cependant, la nationalité de ces personnes n’est pas connue avec la même certitude que celle figurant au tableau. C’est pourquoi nous préférons prendre en considération les chiffres du tableau quitte à courir le risque peut-être d’une légère erreur qui, de toute fajon, ne peut pas changer notablement les données du problème.
Il ressort de ce tableau que le nombre des Français de toutes catégories déportés (22.896) est de loin le plus élevé parmi les 60 nationalités.Ce nombre est égal à 34 % du total. Imaginons pour un instant que « Laval ne se soit pas trouvé là pour défendre » les Juifs français . Quelles en auraient été les conséquences ?
Les résultats de divers recensements de l’époque montrent que les Juifs français représentent sensiblement 55 % de l’ensemble (41 p. 146 et 209). En première approximation, il y a toutes raisons de penser que, sans la « protection » de Vichy, le nombre de déportés français aurait été également de 55 % du nombre total au lieu de 34 %. Voilà le bilan de la politique de Laval qui a « limité les dégts ». Cette différence de 21 % peut-elle raisonnablement « justifier » le déshonneur, le cynisme, la cruauté de cette politique où chaque « tête » compte, celle d’un adulte, comme celle d’un enfant innocent ? Mais, il y a plus grave. Nous verrons dans un instant que la population juive ne restait pas passive devant les dangers qui pesaient sur elle et la population française non juive non plus. A partir de la deuxième moitié de 1942, début des déportations massives et sauvages, la population juive des deux zones a fait un effort gigantesque pour échapper à ses persécuteurs et les Français l’ont aidée activement dans cette entreprise en cachant des familles entières, en leur procurant de fausses pièces d’identité, en accueillant les enfants et les vieillards (6 p. 258-68 et 269-81 ; 17 p. 338). Il y a toutes les chances pour que les Juifs français intimement liés à leurs concitoyens non juifs aient trouvé beaucoup plus d’amis dévoués pour les aider, beaucoup plus de facilités pour se camoufler sous de faux noms que les étrangers, souvent peu en relation avec le reste de la population, parlant mal le français, connaissant mal les habitudes et la mentalité des Français.
Tout cela fait que, même sans la « protection » de Vichy et singulièrement de Laval, la proportion des Français parmi les déportés juifs aurait vraisemblablement été moindre que 55 %, peut-être pas loin des mêmes 34 %. Or, la légende laisse fermement penser que cette proportion était égale à zéro ou voisine de zéro grâce à la « protection » de Laval.
https://www.cairn.info/revue-le-monde-j ... age-75.htm