Pourquoi des portraits de femmes et de personnes issues de minorités ethniques exposés dans un musée aux Etats-Unis ont-ils été dissimulés ?
Un musée du Maryland, géré par la NSA, a volontairement dissimulé des panneaux retraçant l’apport de femmes et de personnes racisées à la cryptographie. Après un tollé, l’établissement a évoqué une «erreur» commise dans la précipitation pour répondre aux récents décrets présidentiels.
Couvrez ces femmes et ces minorités que je ne saurais voir. Depuis plusieurs jours, le National Cryptologic Museum, musée sur l’histoire de la cryptographie – écriture chiffrée et sécurisée –, situé dans l’Etat américain du Maryland, est au cœur d’un scandale. La polémique démarre après la publication sur les réseaux sociaux dimanche 2 février au matin d’une photo du «Hall of Honor», hall d’honneur de ce musée placé sous la tutelle de la National Security Agency (NSA).
Alors que plusieurs portraits de scientifiques – en grande majorité des hommes blancs – sont affichés sur l’écran d’une télévision, deux rectangles en papier situés de chaque côté interpellent. Collés au mur avec du scotch, ils recouvrent en intégralité deux panneaux dédiés à des personnes clés de la cryptologie qui «ont été des innovateurs tout au long de leur carrière ou ont apporté des contributions majeures à la structure et aux processus de la cryptologie américaine», mentionne le site du musée. Et ces deux morceaux de papier tendus, ainsi que leur emplacement, ne laisseraient rien au hasard, selon le général Michael Hayden, ancien directeur de la NSA de 1999 à 2005. «Regardez ce qui s’est passé au National Cryptologic Museum. Ils ont recouvert de papier brun les photos des femmes de la cryptologie américaine», écrit l’ancien militaire sur le réseau social Bluesky, photo à l’appui.
Des femmes et personnes racisées invisibilisées
Comme le démontre un utilisateur sur X, un panneau mentionnant les «pionniers de l’histoire de la cryptologie des Etats-Unis» – et représentant uniquement des portraits de femmes – était en effet initialement visible à la droite de l’écran de télévision. Les visiteurs du musée pouvaient alors y lire de brèves biographies d’Elizebeth Friedman, scientifique surnommée «la première femme cryptanalyste d’Amérique» ; ou encore les avancées permises par Ann Caracristi, une autre pionnière de la cryptanalyse qui est devenue la première femme directrice adjointe de la NSA.
Michael Hayden poursuit sa démonstration : «lls ont également couvert les visages des personnes issues des minorités ethniques de l’histoire de la cryptologie, telles que Washington Wong et Ralph Adams», le premier étant représenté sur le panneau gauche. Deux catégories – «les Afro-Américains dans l’histoire de la cryptologie» et «les femmes dans la cryptologie américaine» – qui figurent pourtant sur la page Internet dédiée à ce même Hall of Honor sur le site du musée construit en 1993.
Toujours selon celui qui fut également directeur de la CIA de 2006 à 2009, cette dissimulation intervient «en réponse au décret antidiversité du président Trump». Une référence directe à un décret signé par le 47e président des Etats-Unis dans la foulée de son investiture permettant de «mettre fin à la discrimination illégale et rétablir les opportunités fondées sur le mérite». Une tentative du Président de mettre fin aux programmes dits de «DEI» (pour «diversité, équité et inclusion») ou «DEIA» (lorsque s’y ajoute l’enjeu de l’«accessibilité»), des jalons antiracistes que le républicain abhorre.
https://www.liberation.fr/checknews/pou ... SUI6OKHHU/