"Loi Duplomb : les études sur l'acétamipride "s'accumulent" et montrent des "toxicités chroniques très importantes", soulignent deux spécialistes
Les effets de l'acétamipride, pesticide réintroduit par la loi Duplomb, "s'avèrent importants", explique Philippe Grandcolas, directeur adjoint de l'institut Écologie et Environnement au CNRS, mardi sur France Inter.
Les études sur l'acétamipride "s'accumulent" et montrent des "toxicités chroniques très importantes", soulignent mardi sur France Inter(Nouvelle fenêtre) l'écologue Philippe Grandcolas et le médecin et président de l'association Alerte des médecins sur les pesticides Pierre-Michel Perinaud, en plein débat sur la loi Duplomb, qui réintroduit sous conditions cet insecticide de la famille des néonicotinoïdes.
"À mesure que les études s'accumulent, les effets de l'acétamipride s'avèrent importants", explique Philippe Grandcolas, directeur adjoint de l'institut Écologie et Environnement au CNRS. "Ce produit est nocif pour les abeilles domestiques et il l'est encore plus pour d'autres organismes, d'autres pollinisateurs." Il y a selon lui un "consensus parfaitement clair" dans la communauté scientifique sur le sujet. "Le doute n'est pas raisonnable, il y a des dizaines de travaux qui montrent que l'acétamipride est toxique, qu'il peut y avoir des toxicités chroniques très importantes sur des insectes pollinisateurs", insiste-t-il.
Par ailleurs, l'acétamipride est "très soluble dans l'eau et reste des dizaines de jours dans le milieu naturel après avoir été administré dans un champ, on le retrouve par exemple jusque dans l'eau de pluie, ce qui a été démontré récemment au Japon". Une étude inédite de l’université de Tokyo, publiée en juin, révèle en effet une présence massive de pesticides dans l’eau de pluie, le plus fréquemment de l'acétamipride, autorisé au Japon. Ainsi, "c'est un produit qui a un potentiel d'exposition très important pour l'ensemble de la biodiversité, humain y compris", conclut l'écologue.
Un impact général des pesticides sur la santé
Comme d'autres scientifiques, Pierre-Michel Perinaud cite, lui, des études qui indiquent que "l'acétamipride traverse la barrière placentaire et peut donc contaminer le fœtus". "On a retrouvé de l'acétamipride dans le liquide céphalorachidien des enfants donc on sait que ce produit neurotoxique va se retrouver en contact du cerveau des enfants", souligne-t-il. Des études contestées par certains opposants à l'interdiction de ce pesticide, qui mettent notamment en avant qu'on ne peut pas savoir d'où viennent ces traces d'acétamipride.
Au-delà de l'acétamipride, Pierre-Michel Perinaud rappelle l'impact en règle générale des pesticides sur la santé humaine. "Les données de l'Inserm [Institut national de la santé et de la recherche médicale] publiées en 2013 et confirmées en 2021 montrent des liens entre l'exposition aux pesticides et des maladies : la maladie de Parkinson, des cancers du sang, des cancers de la prostate, des leucémies, des troubles de la fertilité, des troubles cognitifs, etc.", détaille-t-il. Le médecin craint que la loi Duplomb "ouvre la boîte de Pandore" et permette la réintroduction d'autres pesticides à l'avenir.
Les alternatives "existent et sont suffisamment efficaces"
Pour appuyer leurs propos, les deux spécialistes citent des études de l'Inserm, de l'Inrae (l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), de l'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) ou encore de l'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) sur le sujet. De quoi "justifier un principe de précaution".
Par ailleurs, "les alternatives existent et sont suffisamment efficaces" pour cultiver la betterave, expliquent-ils. Et au-delà, Philippe Grandcolas va jusqu'à interroger l'intérêt de conserver la culture de la betterave à sucre en France. "C'est une culture utilisée pour produire du sucre dans la nourriture transformée ou des agrocarburants. Ce n'est pas une culture vivrière indispensable. On doit se poser la question, même si c'est une question cruelle pour des PME agricoles, est-ce qu'on a besoin de prendre des risques pour la santé humaine et pour la biodiversité pour cultiver quelque chose qui n'est pas vivrier, qui n'est pas indispensable ?", soumet-il.
https://www.franceinfo.fr/environnement ... 92133.html
"La valeur ne dépend pas de la religion, mais de l'amour qui nous fait considérer l'autre comme un frère ou une sœur"
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