Contrairement à tous ceux qui n'ont pas la moindre compassion pour l'enfer que vivent les Gazaouis parce qu'ils les considèrent tous responsables du 7 octobre (comme si tous les Français étaient responsables du Vel d'Hiv, de Drancy et de la Shoah), parce qu'ils ne les considèrent pas comme des être humains mais comme des êtres abjects et des animaux qu'il faudra continuer de "surveiller" après les avoir "punis" pour s'être révoltés tant de fois contre leurs oppresseurs, je les considère, moi, comme des êtres humains victimes d'une histoire dans le long cheminement de l'Histoire et au même titre que celle du peuple juif, encore plus longue et tragique.
J'éprouve une profonde compassion pour eux, ils tentent de survivre dans une situation abominable. Dieu sait que je n'aimerais pas être à leur place. Mais qui aimerait être à leur place ?
Mais, ceci étant dit et bien posé, je n'aimerais pas plus être à la place des Israéliens en ce moment. Je ne parle pas du gang de racistes, suprémacistes, colonialistes et génocidaires qui sont en ce moment à la tête d'Israël, bien entendu et qui sont en train de ruiner leur patrie sur le plan moral.
Je parle de tous les Israéliens (mais pas que des Israéliens : mais aussi de tous les citoyens du monde ayant un rapport avec leur judéité), je parle donc parmi eux de tous ceux qui gardent encore une CONSCIENCE, de ceux qui se posent des questions, ceux qui voient ce que leur état est en train de devenir, ceux qui voient ce qu'ils sont eux mêmes en train de devenir au fil du temps : ils sont des milliers, ils sont des centaines de milliers et certains parviennent à s'exprimer mieux que d'autres.
Je pense à ce jeune réalisateur Navad Lapid qui sort en ce moment en France un film intitulé "Oui" :
"grand film enfiévré sur l’apocalypse née du 7-Octobre. Grand film ni militant ni satirique, le dernier film du cinéaste israélien se propose comme conscience critique du sionisme."
https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... _3246.html
Je n'ai pas vu son film et je ne suis pas sûr que j'irai le voir mais je l'ai vu, lui, avant hier soir sur le plateau de l'émission "C Ce soir" :
https://www.france.tv/france-5/c-ce-soi ... ement.html
Navad Lapid était entouré d' interlocuteurs brillants, tous d'appartenance juive, il me semble : ▶︎Alexandra SCHWARTZBROD Journaliste, directrice adjointe de la rédaction de Libération, ancienne correspondante à Jérusalem (2000-2003), autrice de « Éclats » aux éditions Mercure de France (11.04.2024)
▶︎Marc KNOBEL Historien et essayiste
▶︎Judith COHEN-SOLAL Psychanalyste et psychologue clinicienne, conceptrice de CoExist, une pédagogie contre le racisme et l'antisémitisme en milieu scolaire, co-autrice de « Le Bouquin de l'humour juif » aux éditions Bouquins (02.11.23)
▶︎Samuel BLUMENFELD Journaliste au Monde, critique de cinéma
J'avoue que devoir prendre en compte les états d'âmes de ce réalisateur israélien (qui a quand même coupé les ponts avec l'actuel régime de son pays), et de son aréopage au moment même où l'on détruit sans pitié tout un peuple et son lieu de vie et sans aucune présence palestinienne sur ce même plateau, oui, sur le moment, j'ai eu du mal.
Pourtant, ce réalisateur a quand même dit des choses importantes et c'est tout à l'honneur de son peuple que cette prise de conscience.
Le pire est déjà sûr pour les Gazaouis (mais aussi pour leurs frères de Cisjordanie) mais beaucoup d' Israéliens ne sortiront pas indemnes eux non plus de ce qui est en train de se passer dans leur pays et on peut craindre aussi pour eux : pas seulement pour tous ceux qui vont être inévitablement les victimes d'une recrudescence d'antisémitisme, mais aussi pour leurs soldats de retour de centaines d'Oradour sur Glane, qui auront massacré de leurs propres mains des enfants, des femmes et des vieillards palestiniens.
On en a vu pourtant certains de ces soldats massacreurs de civils en train de se filmer, hilares et heureux, sur le champ de bataille : pas sûr que dans quelque temps ils ressortiront psychologiquement indemnes des massacres qu'ils auront perpétré à Gaza, à l'image des vétérans du Viet-Nam et de leurs séquelles post traumatiques.
Non : pas plus que dans celle d'un Palestinien évidemment, je n'aimerais être dans la peau d'un Israélien en ce moment. Franchement pas...