Loi du plus fort
Par loi du plus fort on entend l'usage illégitime par un groupe de la violence et de la coercition pour parvenir à ses fins. C'est ce qu'il advient souvent dans une société sans règles, dans une dictature ou dans une démocratie totalitaire.
Contrairement au lieu commun, dans une société ou prévaut l'État de droit, le plus fort n'est pas le plus riche. Le plus riche ne peut pas me forcer à lui vendre ma maison (alors que l'État peut m'exproprier au nom du soi-disant intérêt général). Le plus riche ne peut pas me forcer à risquer ma vie pour lui (alors que l'État peut me contraindre à partir à la guerre au nom de la défense de la patrie). Voir aussi l'article sur le pouvoir des riches.
Dans nos sociétés "civilisées", la loi du plus fort pourrait être un autre nom pour la politique ou pour l'étatisme, qui définissent comme légal ce qui n'est pas forcément légitime.
Le libéralisme se caractérise par un refus de la loi du plus fort, contre laquelle il lutte en mettant en avant la primauté du droit de l'individu. Historiquement, le libéralisme s'est caractérisé par sa contestation de l'absolutisme, favorisant l'apparition de contre-pouvoirs (parlements, syndicats, tribunaux…), ou cherchant à affaiblir un pouvoir unique tyrannique en le divisant (séparation des pouvoirs, droit de sécession).
1. Erreur courante : Le libéralisme, c'est la loi du plus fort
L’un des reproches les plus fréquents adressés au libéralisme, et en matière économique à la concurrence, est de « consacrer la loi du plus fort » et d’« accroître les inégalités ». Il s'agit d'une incompréhension fondamentale de ce que signifient pour le libéralisme les notions de liberté et d'égalité (voir ces termes).
1.1 En matière économique
La loi du plus fort ne doit pas être confondue avec la loi du meilleur. Celui qui remporte la compétition a quelque mérite, et notamment dans le domaine économique car les parts de marché se conquièrent par une plus grande satisfaction du client, par un meilleur service de la communauté :
Le marché (...) n’est donc pas, contrairement à ce qu’on affirme souvent, le lieu où s’exerce la loi du plus fort. C’est le vol qui est la loi du plus fort, même s’il se pare des plumes de l’intervention étatique. Le marché, c’est l’échange volontaire, résultant de la liberté des contrats. Je ne vends que ce que je souhaite vendre, je n’achète que ce que je désire acheter ; et cela uniquement aux conditions sur lesquelles je suis d’accord. (Jean-Yves Naudet)
Que l'intérêt personnel soit l’aiguillon de la performance n’est pas contestable. Mais l’intérêt personnel guide toutes nos actions, et il ne peut jamais ignorer l’existence et les intérêts des autres. Le libéralisme ne conduit pas à la loi du plus fort, mais, au contraire, au respect et à la promotion du plus méritant, c’est-à-dire de celui dont les efforts bénéficieront à tous
1.2 En matière politique et juridique
Le libéralisme, qui se définit avant tout par le respect du droit, est la marque de sociétés évoluées, ne serait-ce que parce qu'il exige la responsabilité de chacun. Au contraire les sociétés planifiées sont proches de l'état primitif, puisqu'une autorité centrale doit dicter à chacun son comportement, se substituant aux libres choix individuels. Le libéralisme est tout le contraire de l'anomie, puisqu'il repose sur des procédures hautement sociales et élaborées, comme le marché, qui excluent les relations reposant sur la force. Ainsi, Ludwig von Mises d'écrire :
«Le libéralisme économique ne se bat pas en faveur des intérêts de ceux qui sont riches aujourd'hui. Au contraire, ce que le libéralisme économique veut, c'est laisser les mains libres à quiconque possède l'ingéniosité pour supplanter le riche d'aujourd'hui en offrant aux consommateurs des produits de meilleure qualité et moins chers. Sa principale préoccupation est d'éliminer tous les obstacles à l'amélioration future du bien-être matériel de l'humanité ou, dit autrement, à la suppression de la pauvreté. »
— Ludwig von Mises, Liberté économique et interventionnisme
La politique, en revanche, est toujours l'expression de la loi du plus fort. Ceux qui accusent le libéralisme d'être la "loi du plus fort" sont les mêmes qui réclament davantage d'état et de règlementations, donc de coercition exercée par le détenteur de la souveraineté, sans même avoir conscience de la contradiction dans laquelle ils se mettent.
En situation d'anomie, c'est toujours la loi du plus fort qui prévaut. C'est ce qui se passe au plan de la politique internationale entre états (luttes d'influences, mesures de rétorsion, guerres, etc.).
Pour les libertariens, il y a deux extrêmes à éviter : l'anomie, qui est la loi du plus fort décentralisée, et l'étatisme, qui est la loi du plus fort centralisée.
1. L'État comme expression de la loi du plus fort, hier et aujourd'hui
L'histoire humaine a illustré, et illustre encore aujourd'hui, l'omniprésence et l'universalité de la loi du plus fort, depuis l'esclavage jusqu'à l'État moderne, en passant par la féodalité, la monarchie absolue, les despotismes orientaux, toutes les dictatures « révolutionnaires » et les totalitarismes du XXe siècle (nazisme, communisme).
Les libertariens poussent jusqu'au bout la démarche libérale de refus de la loi du plus fort en opposant le droit naturel inaliénable de l'individu à la coercition étatique. Ainsi que le précise Murray Rothbard :
« En réalité, l'État est cette organisation qui, dans l'ordre social, essaie de maintenir un monopole de l'usage de la force et de la violence sur un territoire donné ; en particulier, c'est la seule organisation dans la société qui tire sa richesse non pas de contributions ou de paiements volontaires versés en contrepartie de services fournis, mais de la coercition. Tandis que les individus ou les entreprises obtiennent leur revenu par la production de marchandises et de services, ou par la vente paisible et volontaire de ces produits et services à d'autres agents, l'État s'enrichit par l'utilisation de la contrainte, c'est-à-dire par l'utilisation et la menace de la prison ou de la baïonnette. Ayant employé la force et la violence pour obtenir son revenu, l'État continue ensuite, en règle générale, par réglementer et dicter les actions de ses différents sujets. »
— Murray Rothbard
Alors que beaucoup voient l'État comme le défenseur, voire la source du droit, les libertariens identifient l'État comme l'expression historique constante de la loi du plus fort :
« L'État n'a jamais été créé par un « contrat social » ; il naquit toujours de la conquête et de l'exploitation. Le paradigme classique est celui d'une tribu de conquérants, qui pille et assassine les tribus conquises, et qui décide de faire une pause, car elle se rend compte que le temps du pillage sera plus long et plus sûr, et la situation plus plaisante, si les tribus conquises étaient autorisées à vivre et à produire, les conquérants se contentant d'exiger en retour un tribut régulier. »
— Murray Rothbard
Le pouvoir (l'État ou ce qui en tient lieu selon les époques) tente ensuite de renforcer son emprise par la force (création d'une noblesse, de fiefs et de baronnies, d'une bureaucratie dévouée, monopole de la sécurité et de la justice), par le droit positif (la loi sacralisant le point de vue du groupe dominant) ou par l'idéologie, en tentant de s'identifier à la société ou au territoire qu'il contrôle, en favorisant les intellectuels subventionnés qui légitiment son action auprès de la population et disséminent sa propagande, qu'il s'agisse de culte dynastique, de gloire à la « planification scientifique », ou en social-démocratie de célébration de l'État redistributeur, présenté comme seul capable d'instaurer la « justice sociale » contre l'individualisme et de réguler l'entreprise et le profit.
L'étatisme est la croyance que l'usage de la force par l'État n'a pas besoin de justification morale : "might makes right" (le pouvoir dicte le droit). La loi du plus fort s'exprime d'ailleurs dans la législation promulguée par l'État et dans le "droit" public, ensemble de règles par lesquelles l'État, juge et partie, définit lui-même ses rapports avec les individus.
La démocratie est vue par les libéraux comme un moindre mal, mais elle reste quand même l'expression de la loi du plus fort, celle d'une majorité sur une minorité : c'est le plus fort « numériquement » qui impose sa loi (alors qu'en dictature c'est le plus fort « physiquement »).