Se prévaloir du soutien de Nicolas Sarkozy, cela n’a plus rien d’honorable
Ceux qui ont de la sympathie pour l’ancien président ont bien le droit de la lui témoigner, mais il est choquant que des responsables politiques trouvent encore honorable de se rendre dans ses bureaux après ses condamnations
C’est une décision judiciaire inédite. Pour la première fois dans l’histoire de France, un ancien chef d’Etat est condamné à de la prison ferme.
Ce jeudi 25 septembre, Nicolas Sarkozy a été déclaré coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 – mais relaxé des faits de recel de détournement de fonds publics et corruption passive.
Le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné à cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt à effet différé, assorti d’une exécution provisoire.
La présidente, Nathalie Gavarino, a souligné que les faits étaient «d’une gravité exceptionnelle» et «de nature à altérer la confiance des citoyens». Immédiatement à la sortie, Nicolas Sarkozy a pris la parole, au milieu de ses avocats et de son épouse Carla Bruni, pour annoncer qu’il ferait appel de cette décision «
d’une gravité extrême pour l’Etat de droit, pour la confiance qu’on peut avoir en la justice».
Que signifie un mandat de dépôt à effet différé ?
Le mandat de dépôt à effet différé évite à la personne d’être menottée et envoyée derrière les barreaux immédiatement à l’issue de l’ordre d’incarcération, comme c’est le cas avec un mandat de dépôt.
Cette solution moins brutale, plus respectueuse de la personne condamnée, peut être prononcée «à partir du moment où l’on n’a pas de raison de penser à un risque de fuite et que la personne dispose de bonnes garanties de représentation, explique un magistrat auprès de Libération. Cela lui permet de prendre le temps de mettre ses affaires en ordre, de prévenir son employeur et de trouver des solutions avec sa famille pour aller exécuter sa peine en prison à un moment plus adapté avec sa situation personnelle».
Concrètement, Nicolas Sarkozy est convoqué le 13 octobre par le Parquet national financier (PNF), où le procureur l’informera de la date et du lieu de sa détention.
D’après le code de procédure pénale, il devra être incarcéré dans les quatre mois suivant le moment où il en est avisé.
Que signifie l’exécution provisoire ?
«Le tribunal demande l’exécution provisoire pour me voir dormir en prison le plus tôt possible. La haine n’a décidément aucune limite», a déclaré Nicolas Sarkozy, fustigeant ce mécanisme de droit, comme l’avait fait quelque mois auparavant Marine Le Pen, condamnée en première instance dans l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national.
Concrètement, ce principe écarte l’effet suspensif – soit la suspension d’une décision lors d’un recours – et permet d’appliquer un jugement, dès son prononcé, en attendant une nouvelle décision en appel. S’il reste rarement utilisé dans les dossiers politico-financiers, «c’est un mécanisme utilisé massivement, tous les jours, par toutes les juridictions pénales», insiste auprès de Libération le magistrat précité – pour des raisons diverses telles que prévenir une réitération potentielle ou le risque de fuite, préserver les victimes…
Aux comparutions immédiates, grandes pourvoyeuses de peines de prison, l’exécution provisoire est ainsi quasi systématique – 87 % des jugements en 2023, selon les dernières statistiques du ministère de la Justice. En correctionnelle, 58 % des peines d’emprisonnement ferme sont mises à exécution immédiatement. C’est même 86 % pour les peines d’une durée de 5 ans et plus.
De quels recours dispose-t-il ?
Une fois en prison, il est fort probable que Nicolas Sarkozy ne reste pas longtemps derrière les barreaux. En cas d’appel, «on retombe sur le régime de détention provisoire, avant jugement, il peut donc faire une demande de mise en liberté pour laquelle la justice a deux mois pour statuer», explique la vice-présidente de l’Union syndicale des magistrats, Stéphanie Caprin. A partir du moment où l’ex-président ou l’un de ses coprévenus est en prison, «la décision en appel doit intervenir dans les quatre mois, avec une possibilité de quatre mois supplémentaires», poursuit la magistrate. Ce qui préfigure un second procès rapidement. Ce jeudi, l’AFP a indiqué que le PNF ferait appel de la condamnation.
Quant à la possibilité de demander une libération conditionnelle, «il faut que la condamnation soit définitive», précise la magistrate. La demande est ensuite appréciée par un juge d’application des peines.
Âgé de plus de 70 ans, Nicolas Sarkozy y est en tout cas éligible.
https://www.liberation.fr/societe/polic ... JIMJPH74E/