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Franceinfo a pu assister à une réunion d'une dizaine d'hommes condamnés pour violence conjugale. De leur rapport aux femmes à leur vie de famille, ils ont accepté de parler.
Ils arrivent au compte-goutte et se serrent la main dans le hall des locaux du Service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) de Paris, situé dans le 13e arrondissement de la capitale. Une petite dizaine d'hommes s'y retrouvent chaque semaine, et prennent place dans une salle au premier étage, autour d'une grande table ovale. Encadrés par deux psychologues, ils parlent pendant une heure des violences conjugales qu'ils ont commises il y a quelques mois et pour lesquelles ils ont eu maille à partir avec la justice.
Franceinfo a pu assister à l'un de ces groupes de parole et recueillir le témoignage de ceux que l'on entend rarement :
les auteurs.
Les témoignages. Dans le groupe de parole auquel nous avons assisté se côtoient Emmanuel*, un fonctionnaire de 44 ans avec un nom à particule, Marc*, un trentenaire "bobo", et Farid*, un entrepreneur d'une cinquantaine d'années. "On n'est pas forcément des monstres", lâche le premier, condamné à six mois de prison avec sursis et trois ans de mise à l'épreuve. Ses voisins ont appelé la police après l'avoir entendu menacer de mort sa femme et ses enfants au cours d'une dispute. "J'étais énervé, j'ai dit des choses injustes", plaide Emmanuel, le premier à raconter son histoire.
Marc, lui, s'est vu "basculer" dans la violence conjugale un énième soir de dispute avec sa femme, rencontrée à l'âge de 19 ans, au terme d'un long processus de délitement du couple, sur fond de routine et d'infidélités. "Elle m'a réveillé en pleine nuit pour me dire qu'elle voulait divorcer, partir avec son amant. J’ai voulu la contraindre, elle a commencé à me frapper à plusieurs reprises, j’ai voulu prendre le dessus, je l’ai plaquée, puis je l’ai menacée, en disant qu’on finirait par tous mourir. Je lui ai mis trois gifles, elle s’est enfuie et elle est allée porter plainte." Placé en garde à vue à l'Hôtel Dieu, il s'est dit "ok, je suis passé de l’autre côté de la barrière". Condamné à quatre mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve, Marc a malgré tout du mal à se voir aujourd'hui comme "un délinquant".
L'avis des professionnels. "C'est une délinquance qui traverse toutes les couches de la société", explique auprès de franceinfo Marie-Liesse Aliquot, une cadre du Spip de Paris. Les hommes qui sont suivis ici représentent la grande majorité des auteurs de violences conjugales, pris en charge en milieu ouvert après une première condamnation. "Il y a une différence entre le pervers qui sadise sa femme tous les jours, dont la place est en prison, et l'homme qui, comme il le dit souvent, 'pète un plomb' un jour lors d’une dispute avec sa conjointe", observe Alain Legrand, psychologue au sein de l'Association de lutte contre les violences (ALCV), qui anime ce groupe de parole depuis une dizaine d'années.
La plupart des hommes qui connaissent un ou plusieurs épisodes de violences avec leur compagne ont des "personnalités insécurisées, immatures et égocentrées, que la situation de couple va fragiliser", résume un rapport sénatorial paru cette année. Tout au long de la séance, Alain Legrand et sa consœur, la psychologue clinicienne Mélanie Girard, tentent ainsi de décoller petit à petit l'étiquette d'"homme violent". Pour ne pas les enfermer dans une identité réductrice et éclairer les raisons d'un passage à l'acte à un moment "T."