Réduire les interpellations et le nombre de détenus, équiper les policiers en armes intermédiaires en cas de mouvements de panique, etc...
Source:Le Point.
Tribunaux fermés, audiences reportées, surveillants, policiers et militaires appelés à ne pas déserter, etc. Les services publics chargés d'assurer la sécurité des Français sont sur le pont et ont planché tout le week-end sur la meilleure façon d'assurer leurs fonctions sans se mettre en danger. Les policiers ont reçu leurs premières instructions dès la fin février. À Paris, par exemple, où la préfecture de police a fermé son accueil au public, tous les commissariats ont été destinataires d'une « fiche réflexe » sur la procédure à suivre lorsqu'un individu « possiblement porteur du coronavirus se trouve dans les locaux de police ».
Premier geste : isoler la personne dans « un espace le plus en périphérie des locaux, de préférence dépourvu de ventilation ». Puis une longue liste de recommandations : port du masque, lavage de mains, arrêt du système de ventilation, isolement des personnels en contact avec la personne contaminée ou soupçonnée de l'être. Avant, enfin, des mesures radicales : fermeture de l'accès au commissariat, appel des personnels médicaux, mise en place d'une garde à l'entrée de l'établissement, qu'il faudra désinfecter le plus rapidement possible.
Pistolets électriques pour contrôler d'éventuels mouvements de foule:
L'information doit ensuite remonter par la chaîne hiérarchique jusqu'au Samu et l'agence régionale de santé (ARS). La préfecture de police de Paris a tout prévu, même les éléments de langage « rassurants ». Si des personnes font l'objet d'une garde à vue au moment du risque de contagion dans les locaux, cette dernière pourra éventuellement être levée sur décision du parquet.
Les autorités recommandent également à leurs policiers de déployer un armement intermédiaire comme le pistolet à impulsion électrique, au cas où il faudrait maîtriser « un éventuel mouvement de foule ou une crise d'hystérie ». Les gaz lacrymogènes sont quant à eux proscrits, constituant un « facteur d'aggravation du risque par irritation des voies respiratoires. » En cas de confinement total, policiers et gendarmes seront mobilisés pour s'assurer, par exemple, que les commerces non essentiels sont bien fermés.
Mission prioritaire: Protéger les hôpitaux:
Dans la capitale, l'accès du public aux commissariats est réservé aux cas les plus graves et dans un nombre d'endroits restreint par département. La température corporelle des gens pénétrant les commissariats est vérifiée. Les policiers se sont vu retirer leur matériel de protection – masques, lunettes, gants, désinfectants – à la demande de Matignon pour équiper en priorité les services de santé.
Les forces de l'ordre ont reçu comme mission de se concentrer prioritairement sur la protection des établissements médicaux et de soins et la « protection de l'approvisionnement et des infrastructures vitales ». Aucune de ces préconisations n'est pour l'heure appliquée, souvent faute de moyens matériels et humains. Les hôpitaux, par exemple, continuent de subir de nombreux vols de solutions hydroalcooliques et de masques.
Dans les services qui dépendent directement du ministère de l'Intérieur, une note de Stéphane Bouillon, le directeur de cabinet du ministre, a été diffusée ce 16 mars à tous les directeurs. Ils doivent faire la « promotion systématique du télétravail pour permettre au plus grand nombre d'agents de rester à domicile ». Il liste les missions essentielles pour la continuité du service public : les personnels affectés à la gestion des crises, l'organisation des élections, les ressources humaines, notamment le salaire des policiers, et le fonctionnement des outils numériques.
« Limiter les interpellations »:
Les palais de justice ferment également leurs portes pour être en capacité d'assurer le service minimum. Les services d'accueil du public sont fermés mais joignables par téléphone, et les audiences devant la cour d'assises reportées autant que faire se peut. C'est le cas du procès du chirurgien pédophile Le Scouarnec, qui avait commencé vendredi mais qui a été interrompu ce lundi.
Une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), au ministère de la Justice, envoyée ce week-end aux procureurs et présidents de juridiction fait le point sur les consignes à suivre pour les prochains jours. Le ministère ordonne ainsi de « limiter les interpellations (…) aux procédures présentant un degré d'urgence ou de gravité justifiant un traitement diligent ». Les contrôles judiciaires vont être assouplis au cas par cas, et les personnes détenues invitées à comparaître le plus possible par visioconférence (les extractions de prison risque d'être très perturbées).
Une attention toute particulière doit être accordée aux contentieux de la liberté. Sommairement, si un détenu fait appel de sa détention, et que le juge ne statue pas dans les délais, il peut être relâché d'office. La DACG prévient : pas de panique. Si les magistrats ne parviennent pas à respecter les délais du fait de la pandémie, ils pourront invoquer les « circonstances insurmontables », explique-t-elle, à condition de bien motiver leur décision.
« Réduire le nombre de détenus »:
Pour les mineurs, « il conviendra d'éviter le prononcé de nouvelles mesures, tant de placement que de milieu ouvert », détaille la chancellerie. D'une manière générale, pas de comparution en audience dans la mesure du possible et, quand c'est inévitable, les juges pourront déroger à la publicité des débats et ordonner le huis clos pour éviter une trop grande promiscuité.
La garde des Sceaux demande également à « différer » la mise à exécution des courtes peines d'emprisonnement, de manière à « limiter et réduire le nombre de personnes détenues ». Le but est de ne pas ajouter à la surpopulation carcérale, déjà criante en France. En prison, la situation est pour le moment sous contrôle. Deux infirmières de Fresnes ont été testées positives, ainsi qu'un détenu qui présentait des symptômes à son arrivée en prison et qui a été aussitôt détecté.
Les parloirs ne sont pas supprimés:
Les parloirs ne sont pas supprimés avec le stade 3, mais sont limités à une personne par parloir. Plusieurs surveillants ont devancé les consignes de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP), et sont venus lundi matin avec des affaires de rechange. « Les surveillants ne sont pas réquisitionnés au sein des établissements, et il n'y a pas de raison, à l'heure actuelle, pour qu'ils y soient confinés. Maintenant, tout le monde sait très bien ce que "plan de continuation d'activité" veut dire », explique une source à la DAP.
Les activités culturelles en prison n'ont plus lieu, sauf dans certaines maisons d'arrêt ou certains établissements pénitentiaires, comme à Bois-d'Arcy, équipés d'un canal vidéo. Les autorités mettent une attention particulière à ce que les détenus puissent toujours cantiner, les produits d'hygiène et le tabac notamment. Lundi matin, aucun incident grave n'était à déplorer en lien avec les mesures prises à cause du coronavirus, excepté un refus de réintégrer à Metz.
Joint par téléphone, un détenu d'un établissement du nord de la France, proche d'une zone très touchée, promet la panique si le virus devait entrer en prison : « On n'a pas le droit au gel hydroalcoolique et nous n'avons ni gants, ni masques, ni eau chaude en cellule. Pour vous donner une idée, les rats, chez nous, font la taille de chats. »
https://www.lepoint.fr/societe/face-au- ... 414_23.php