L'EURO la bête noire des populistes anti européens: pourquoi l'allemagne alors s'en sort bien?
...Sur ce plan justement, les faits sont têtus, comme aimait à nous le rappeler Albert (Einstein). Depuis plus de quinze ans, la balance commerciale française est déficitaire. Elle a très sérieusement décroché depuis 2011 et le déficit n’a cessé de s’aggraver depuis, pour s’établir rien qu’en 2018 à 60 milliards d’euros - abyssal ! (quel niveau, déjà, le déficit projeté des retraites ? 8 milliards… en 2027… hypothétiquement, et encore...). Alors on ressort tout de suite, dans un réflexe pavlovien, les ariettes faciles, simples, les mêmes ritournelles usées (certains diraient “des éléments de langages”) : l’euro trop fort, le prix de l’énergie, le coût de la main d’œuvre (?)...
Sauf qu’en même temps, notre voisine, avec qui nous sommes aussi “en couple”, l’Allemagne, qui elle aussi se chauffe l’hiver et s’allume autrement qu’à la bougie, paye ses employés au prix du marché et qui utilise elle aussi l’euro fort, le même que le nôtre, dégage un solde positif depuis plus de vingt ans ! Un solde insolent, obscène même : c’est tout bonnement le premier excédent commercial au monde, avec 280 Milliards de surplus, devant même la Chine !...
Alors que se passe-t-il... ou plutôt que ne se passe-t-il pas en France ? Les causes sont multifactorielles. Le bât blesse, non pas tant au niveau des importations, qu’au niveau des exportations. Et là trois causes majeures, hélas, structurelles...
La faiblesse des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI)
Là où l’Allemagne aligne plus de 12.000 ETI, la France en compte à peine 5.000, dont la moitié sont des filiales de Grand Groupes. Or, en Allemagne, les ETI représente 15% des exportations, contre 10% en France. La rareté des ETI françaises est, entre autres, à chercher du côté d’une fiscalité sur la transmission du patrimoine exorbitante, voire confiscatoire, en France, par rapport à ses voisins Européens et de l’OCDE.
La faiblesse dans le domaine des véritables innovations technologiques
Le commerce extérieur français s’appuie bien trop sur la rente de ses industries “fossiles” qui utilisent et réutilisent jusqu’à la corde l’Héritage des générations précédentes, à savoir, le luxe, la mode, le tourisme, la gastronomie, etc... C’est bien simple : la moyenne d’âge des entreprises qui peuplent le CAC40 est de… 105 ans, alors qu’en même temps l’âge moyen du Nasdaq n’est que de… 15 ans ! Quant à l’aéronautique, s’il va sans dire que c’est un secteur d’excellence, il ne faut jamais oublier de rappeler que Airbus est une coentreprise franco… -allemande à 50/50. Et que l’entreprise qui est le plus grand fournisseur de moteurs d’avions civils au monde est le fruit d’une co-entreprise américano-française, là aussi à 50/50 : CFM International (GE-Safran), où GE (General Electric) a apporté son savoir-faire pour les “parties chaudes”.
La faiblesse dans la stratégie internationale d’entreprise
La part de marché de la France dans le commerce international a chuté en 20 ans de près de 35% en passant de 5,1% à 3,5%, soit bien plus que la moyenne de l’UE, alors même que celle de l’Allemagne augmentait pour s’établir à 7,2% soit plus du double que le niveau français. En Allemagne, l’export nourrit 28% de l’emploi et jusqu’à 56% des emplois industriels (source Ministère de l’Economie et de l’Energie, Allemagne).
En effet pour la plupart, les produits et services français (hors industries fossiles) se situent dans le milieu de gamme. Or, c’est le pire endroit possible : la mer des Sargasses, car on ne peut ni utiliser le premium de prix pour augmenter ses marges - haut de gamme, niches, hyper-segmentation, ultra-différenciation etc. - , ni jouer sur les coûts bas pour déployer une stratégie de volume. Le meilleur exemple est celui de l’automobile qui constitue un des points forts du commerce international allemand alors que ce poste (automobiles et pièces) représente un déficit au niveau de la balance commerciale française.
Faut-il voir dans cette faiblesse au niveau de la conception et de l’exécution des stratégies industrielles et internationales françaises le fait qu’une majeure partie des grandes entreprises donneurs d’ordres du CAC 40 ont à leur tête des dirigeants qui n’ont pour la plupart jamais vraiment exercé la gestion d’entreprise auparavant, étant directement passés par les “Grands corps d’Etat”, survivance anachronique du début du... 18 ème siècle, avant d’être parachutés à ces postes après un passage dans un Ministère ou par la Haute Administration : l’onction ultime.
Alors qu’en même temps, la moitié des dirigeants des grandes entreprises allemandes sont issus de l’apprentissage, et 68% ont fait toute leur carrière en entreprise, en partant de la base, a contrario de … la pensée complexe… Vaste programme…
Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain (Les multinationales émergentes, International Corporate Governance, Le temps des turbulences, Wanamatcha !).
Les causes du déficit commercial français n'a donc rien à voir avec l'Euro mais à la fragilité de ses entreprises de taille moyenne, la faiblesse de l''innovation technologique, l'absence de dynamisme à l'export: que foutent nos investisseurs, nos ingénieurs en RD, nos commerciaux d'HEC?
On s'aperçoit donc que la formation des jeunes et tout au long de la vie est mal orientée, que nos chercheurs n'ont pas d'argent et ne trouvent pas, que nos commerciaux sont dépassés. Plus d'apprentissage et moins de "Grandes Ecoles" qui reproduisent des castes sans imagination.