Rassemblement organisé en soutien à celle qui par la justice libre et indépendante de notre (au moins jusqu'en 2027) encore beau pays a été condamné à quatre ans de prison dont deux ferme et à 100 000 € d'amende pour avoir détourné plus de quatre millions d'€ d'argent public Européen.
Condamnation de Marine Le Pen : au RN, le pari risqué de l’appel à la rue
Le parti organise dimanche 6 avril un rassemblement en plein air à Paris
pour dénoncer l’inéligibilité de sa championne. Un exercice délicat, qui doit mobiliser sa base sans renvoyer l’image d’une radicalité débridée.
Marine Le Pen n’aime pas les manifestations. Ce n’en est pas une, d’ailleurs, qu’elle organise à la diable, dimanche 6 avril, près des Invalides, à Paris, pour dénoncer sa lourde condamnation dans l’affaire des assistants fictifs du Rassemblement national (RN). Il s’agit, promettent ses troupes, d’un «rassemblement» ou d’un «meeting», à ne jamais évoquer sans toutes les épithètes – «populaire», «démocratique», «pacifique» – qui lui ôtent ce factieux parfum de 6 février 1934 (une manifestation antiparlementaire qui a tourné à l’émeute), jamais loin quand l’extrême droite descend dans la rue.
Le monde est vraiment trop injuste. La gauche a le droit de déployer ses banderoles, ses slogans et même, parfois, de casser des abribus. Et les partisans du Rassemblement national (RN) ne peuvent se claquemurer dans une place parisienne, enserrée dans un périmètre de sécurité délimité par la préfecture, sans se voir accusés de vouloir renverser la démocratie. Donald Trump n’a pas forcément aidé en dénonçant, ce vendredi 4 avril, la «chasse aux sorcières» dont serait victime la candidate frontiste à la présidentielle. «Libérez Marine Le Pen !», a-t-il conclu, en lettres majuscules, sur son réseau Truth Social, laissant s’écrire toute seule la comparaison avec l’assaut du Capitole par ses propres nervis, le 6 janvier 2021.
Logorrhées antisystèmes
Il a donc fallu, toute la semaine, montrer patte blanche. «J’ai toujours condamné de la manière la plus vive qui soit l’utilisation de la force de la violence ou de l’intimidation dans une démocratie», a professé Jordan Bardella, jeudi soir sur LCI. C’était avant la sortie trumpienne. «Nous avons le droit d’organiser des meetings», s’exaspérait le Caliméro, décidément victime d’injustice. De fait, il n’est vraiment pas dit que le rassemblement de dimanche après-midi, place Vauban, dans le VIIe arrondissement de Paris, tourne à la démonstration de force. Ce n’est pas faute d’avoir essayé toute la semaine, de donner l’impression d’une ferveur populaire prête à déborder de son lit pour inonder le pays. «
Un demi-million de signatures pour la pétition que nous avons lancée, plus de 20 000 adhésions au Rassemblement national», triomphait, jeudi, Marine Le Pen sur X.
Chiffres invérifiables fébrilement agités par les cadres du mouvement, et contre-feux aux sondages suggérant que les Français approuvent majoritairement la condamnation de la candidate à cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat.
C’est le cas pour
61 % d’entre eux, selon une étude Cluster 17 pour le Point, et de
57 % selon Elabe pour BFM TV.
Un sondage Ifop révèle que près de deux tiers (64 %) des Français ne trouvent pas nécessaire de modifier la loi pour supprimer l’exécution provisoire, dont souffre Le Pen.
Tant pis pour le prévenant allié Eric Ciotti et son petit groupe parlementaire, qui ont mis à l’agenda une proposition de loi dans ce sens.
Un autre sondage Elabe commandé par les Echos conclut que si la riposte du RN n’a pas permis de convaincre l’opinion, elle a permis en revanche de souder son socle électoral.
Eternel dilemme du parti d’extrême droite : en actionnant les leviers populistes – logorrhées antisystèmes, attaques contre la justice,
ciblage d’une juge désignée par son nom, qui craint désormais pour sa vie –, le RN échoue à élargir son assise auprès de populations moins radicalisées. Cela reste tout de même à voir, tant la droite traditionnelle donne depuis longtemps dans la critique du «gouvernement des juges». Des dizaines de milliers de militants avaient sur ce thème maculé la place du Trocadéro, à l’appel de François Fillon en mars 2017. Celui-ci s’était empressé, selon la Tribune dimanche, d’apporter son réconfort, par texto à Le Pen après les réquisitions du parquet en novembre.
Autour de la cheffe, certains espèrent voir débarquer sur la bourgeoise place Vauban les mêmes vestes matelassées qu’à l’époque. «Lisez les réactions aux articles sur le site du Figaro», conseille un proche. Pas question pour autant de trop filer la comparaison. «On ne fait pas du tout ce parallèle, c’est la première fois qu’on me parle de cela», répond l’eurodéputée Mathilde Androuët, chargée d’organiser la manifestation. «Ça fait un peu confédération des condamnés», note un cadre.
Vérifier sa capacité de mobilisation
Le RN connaît assez bien son électorat pour ne pas compter sur la banlieue Ouest. Consigne est donc donnée de ramener le plus de monde à Paris, après les tractages et collages prévus samedi. «Toutes les fédés vont proposer des bus et les députés se remuent», indique un parlementaire. Une dizaine de cars devraient partir du Pas-de-Calais, réglés par les militants décidément corvéables à merci pour la famille Le Pen (comptez 25 euros pour un aller-retour Paris-Calais, prévoyez un pique-nique pour le déjeuner et payez avant samedi, selon un message envoyé par le député de la ville). Covoiturages, vans, trains : le parti joue son va-tout dimanche. L’occasion de vérifier sa capacité de mobilisation. Qui a toujours été faible. Car au risque de se répéter : Marine Le Pen n’aime pas les manifestations, pour la simple et bonne raison que c’est souvent contre elle et son camp politique que le droit démocratique à descendre dans la rue s’est exercé.
Les aînés se rappellent le défilé monstre de 50 000 personnes, dans les rues de Strasbourg, en 1997, pour protester contre la tenue dans la ville du Xe congrès d’un FN bunkérisé dans une salle. Si la foule était moins nombreuse, le 1er mai 2023, au Havre, la scène était la même : un RN honteux, enfermé dans une salle excentrée tandis que les contre-manifestants marchent dans le centre-ville. «Pardon de vous rappeler que depuis que mon mouvement existe dans la vie publique, […] la violence et l’intimidation, nous n’avons fait que la subir», s’est indigné Bardella jeudi sur LCI, rappelant à raison la stratégie du «harcèlement démocratique», consistant à opposer systématiquement une manifestation antifasciste aux rassemblements et évènements d’extrême droite. Et dont l’acmé fut le 1er mai 2002. Cette ambiance a créé des séquelles dans la psyché de Marine Le Pen : mentalité obsidionale, sentiment d’être persécutée et d’être seule contre tous.
Et les manifestations organisées par son camp politique ne la poussent pas à vouer un amour démesuré pour l’exercice. On se souvient de la parka rouge de son père, venu le 1er mai 2015 lui voler la vedette et la défier lors du traditionnel défilé en faveur de Jeanne d’Arc, place de l’Opéra.
On ne contrôle pas la rue. Et Marine Le Pen n’a pas envie que les arrière-cuisines de l’extrême droite viennent empuantir la vitrine qu’elle cherche à montrer.
Les militants RN se voient régulièrement interdits par le siège de se mêler à des rassemblements politiques, contre les centres d’accueil pour demandeurs d’asiles par exemple. Ce qui n’est pas sans susciter de la frustration dans ses rangs. Dimanche, l’accès à la place Vauban sera donc filtré comme dans un meeting classique.
Une liste noire de militants radicaux est établie, comme lors de l’enterrement de Jean-Marie Le Pen. L’écran de fumée est à ce prix.
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