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Nassim ben Khalifa: «Je me sens profondément suisse»De retour à Prangins, Nassim ben Khalifa dit avoir ressenti «une grande fierté d'avoir représenté la Suisse à l'étranger»
Attaquant emblématique des champions du monde M17 sait qu'il a encore du chemin à parcourir. Il évoque son statut et la pluriculturalité de l'équipe
Nassim ben Khalifa, votre statut de champion du monde fait-il de vous une star?
Non et non, je ne suis pas une star. On a gagné un titre important, c'est super, mais d'ici une à deux semaines, l'euphorie va retomber. Ma vie va reprendre son cours normal. Cela étant, il est évident que je savoure cet instant. Etre champion du monde de football, c'est tout de même quelque chose que peu d'entre nous arriveront à célébrer une nouvelle fois.
Etiez-vous préparé à toutes les sollicitations médiatiques qui ont accompagné votre épopée au Nigeria?
Pas du tout. D'ailleurs, depuis là-bas, on ne se rendait pas compte de l'intérêt qu'on suscitait au pays. Ce n'est qu'à notre retour qu'on s'en est aperçus, notamment au travers des articles de journaux.
Dès votre victoire contre le Brésil, les journalistes se sont mis à vous téléphoner au Nigeria. Etait-ce difficile à gérer?
Non, c'est allé. Notre entraîneur n'était pas très chaud, mais on a décidé qu'une heure par jour à disposition des médias, c'était quelque chose d'absorbable pour nous.
Votre famille a également été sollicitée...
Oui, et il est arrivé le moment où l'on a dû dire non. Pour se préserver, d'une part, mais aussi pour ne pas tout confondre. On ne voulait pas en arriver à parler de l'initiative contre les minarets, par exemple. Il ne faut pas tout mélanger. On voulait que cela reste du domaine sportif.
Qu'avez-vous fait depuis votre retour?
Je me suis reposé, beaucoup, et j'ai aussi retrouvé toute ma famille. Je m'entretiens en allant une fois par jour au fitness, puisque mon club, Grasshopper, m'a donné congé jusqu'à lundi.
Vous reconnaît-on dans la rue?
Oui, j'ai plein des messages d'amitié (ndlr: à cet instant, une cliente du tea-room de Prangins vient lui serrer la main!). J'ai reçu quelques dizaines de lettres de félicitations aussi, dont l'une de la Municipalité de Moudon, avec laquelle je n'ai jamais eu le moindre contact! Je sens beaucoup de gentillesse de la part de tout le monde. En tous les cas, j'arrive à continuer à vivre normalement.
Vous n'avez donc pas, ou plus, la tête dans les étoiles?
On ne l'a jamais eue! Là-bas, on prenait les choses comme elles venaient, match après match. On sait où cela nous a amenés. Maintenant, on doit tous être conscients que ce titre ne va pas nous aider à progresser. Au contraire: tout le pays nous connaît maintenant, l'attente des spectateurs n'en sera que plus grande. A nous de travailler et de réussir notre retour aux réalités quotidiennes.
Alexander Frei a dit que ce titre ne représentait pas la garantie que vos coéquipiers et vous réussissiez une carrière professionnelle. Votre avis à ce sujet?
Il a raison. Le vrai foot, ce n'est pas une Coupe du monde des moins de 17 ans. Et la phase décisive pour une carrière se situe justement entre 17 et 20 ans. Moi qui joue en Super League, je le constate chaque week-end: tout est plus dur au niveau adulte. Je ne vais pas dire que je me suis amusé au Nigeria, mais j'ai en tout cas éprouvé nettement moins de peine aux Mondiaux M17 qu'en championnat avec GC.
Après les Blacks-Blancs-Beurs de la France 1998, peut-on parler des Blacks-Blancs-Beurs-Balkans de la Suisse M17 de 2009?
Je viens de Tunisie, il y avait aussi pas mal de Bosniaques, de Kosovars d'origine. Même si nous revendiquons tous notre citoyenneté helvétique, puisque nous sommes nés en Suisse, aucun de nous n'a oublié son pays d'origine. Le fait de regrouper ces mentalités différentes a incontestablement représenté un plus pour l'équipe.
Cette pluriculturalité est à la base de votre victoire?
Je crois que tout le monde y a gagné, pas seulement au sein de l'équipe. Les Suisses ont pris l'habitude de s'habituer à des peuples étrangers, et chacun profite de la culture de l'autre. Dans le cas d'une équipe de foot comme la nôtre, ce mélange a encore renforcé notre union. Certains joueurs typiquement suisses se sont même mis à parler serbe, c'est vous dire!
Avant de vous envoler pour le Nigeria, vous nous disiez que vous étiez le plus suisse des Tunisiens. Etes-vous aujourd'hui le plus... tunisien des Suisses?
La Tunisie est mon deuxième pays. J'y retourne deux fois par année. Mais je me sens profondément Suisse. Je suis né ici, j'y ai accompli mes études. C'est ça le plus important, pas la couleur du passeport.
Qu'en est-il de votre pacte, où vous vous engagez à porter le maillot de l'équipe de Suisse A si vous deviez être sélectionné?
On a effectivement signé une charte en janvier dernier. C'est une sorte de code éthique que je ne vais pas détailler ici. Mais effectivement, et même si l'on ne peut jamais dire jamais, on s'engageait à toujours jouer pour notre pays, la Suisse.
La Fédération tunisienne vous a-t-elle déjà approché?
Non.
Avez-vous été victime de racisme dans votre enfance?
Oui. On me racontait des blagues primaires qui n'étaient pas drôles du tout. J'ai réussi à passer par-dessus.
Est-ce dans le fond une revanche pour vous d'avoir apporté un titre mondial à la Suisse?
Une revanche, non. Mais une grande fierté d'avoir représenté mon pays à l'étranger. Là-bas, la presse locale parlait de nous comme de binationaux pour expliquer nos succès. Ce n'était pas le cas: nous étions tout simplement des Suisses embarqués dans une fantastique aventure humaine et sportive.