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Emeutes après la mort de Nahel : A l'Assemblée nationale, LFI critiquée, les rôles inversés
Après une semaine de violences urbaines, la France insoumise s’est retrouvée ce mardi en accusation, face à un gouvernement qui a choisi pour toute défense l’attaque.
Une semaine après la mort de Nahel à Nanterre, on a retrouvé l’Assemblée nationale sens dessus dessous. Pas tant par le bruit ou le désordre : la séance des questions au gouvernement de ce mardi a même été étonnamment calme. Bien plus en tout cas qu’au plus fort de la crise de la réforme des retraites. Non, sens dessus dessous, car c'est comme si les positions avaient été inversées.
La France insoumise (LFI), pointée du doigt depuis plusieurs jours pour ne pas avoir « appelé au calme » dans les banlieues, s’est retrouvée au banc, si non des ministres, en tout cas des accusés. Et la Première ministre, suivie par la majorité, s’est presque muée en cheffe de l’opposition, portant l’accusation contre les insoumis.
Ces rôles ont été distribués, très clairement, dès la première question, posée par la présidente du groupe LFI Mathilde Panot. « Vous voulez nous faire porter la responsabilité de la colère », lance la députée du Val-de-Marne. « Ouiiiii », lui répond en chœur une grande partie de l’Hémicycle, de la majorité à l’extrême droite. « Quand prendrez-vous au sérieux nos propositions ? », interroge la présidente Panot. « Jamais ! », reprennent encore majorité, droite et extrême droite. Dans la réponse d’Élisabeth Borne, aucun élément de réponse - mais c’est souvent le jeu face aux questions « politiques » des oppositions -, mais une attaque en règle de la France insoumise.
Jouer sur du velours
«
Je cherche vos déclarations et je n’entends que des excuses (…) Vous cherchez des coupables partout, dans toutes nos institutions républicaines, sauf chez les auteurs des violences (…) Vous avez choisi l’outrance, la brutalité verbale et l’excuse constante de la violence » La Première ministre répète finalement ce qu’elle avait dit dans la matinée devant les parlementaires de la majorité, à travers une tirade qui fera mal :
« Quand vos députés rejettent tout appel au calme, vous sortez du champ républicain. Quand une députée affirme que la fin justifie les moyens, vous sortez du champ républicain. Quand votre leader parle de permis de tuer pour les policiers et de peine de mort pour les jeunes de quartiers et nous traite de chien de garde, vous sortez du champ républicain. »
La vigueur de la réponse - plutôt de la contre-offensive - suscite de chaleureux applaudissements de la majorité, mais aussi de quelques bancs RN. La France insoumise, elle, reste visiblement groggy, finalement très calme. Il faut dire que le feu roulant des accusations ne faiblit pas dans les questions de la majorité, dans les réponses du gouvernement, même chez LR. Quand les insoumis se réveillent un peu pendant une réponse d’Élisabeth Borne, elle se tourne vers eux : « Vous avez un problème quand je parle des élus attachés aux valeurs de la République ? » La locataire de Matignon joue sur du velours. A chaque question LFI, il est facile de s’attacher à la forme : « Faites mentir la phrase de Jacques Brel, vous n’êtes pas en effet des révolutionnaires, vous êtes des petits révoltés. Soyez au rendez-vous de la République », attaque Gérald Darmanin, sans plus de protestations sur les bancs LFI. Rien non plus quand Éric Dupond-Moretti reprend l’expression de « France incendiaire » à Jordan Bardella, président du RN.
« En France, l’égalité est un concept théorique »
Le contraste joue à plein dans la Nupes. A travers les questions du communiste Stéphane Peu, du député Générations Benjamin Lucas, mais surtout celle de la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Châtelain. Elle dénonce les violences ( « brûler des écoles, piller des magasins, agresser des élus, ne seront jamais des actes de justice »), tout en tenant un discours pas moins radical que celui de LFI : « La réalité, madame la Première ministre, c’est qu’en France aujourd’hui, certaines vies valent moins que d’autres, certains territoires valent moins que d’autres. En France, l’égalité est un concept théorique. » Et de proposer un « acte d’apaisement » : modification de la loi sur la légitime défense, le retour de la police de proximité, des mesures de luttes contre les discriminations et le racisme. C’était donc possible ?
Dans sa réponse, après avoir décerné le brevet de républicanisme qu’elle a donné à chaque groupe, sauf à LFI et au RN, Élisabeth Borne doit se risquer au bilan de l’action macroniste depuis six ans. Forcément un peu moins efficace que lorsqu'on prend le rôle de cheffe de l’opposition. A l’autre bout de l’échiquier et de l’Hémicycle, Marine Le Pen – ultra-solennelle – a cru bon d’attendre la fin de la séance pour tenter de tirer les marrons du feu. Mais face au « qu’avez-vous fait pour transformer notre pays parmi les plus courtois, les plus élégants et les plus doux de la terre pour en faire un enfer ? », la Première ministre a la tache facile : « Une fois de plus, la seule chose dont vous êtes capable, c’est la caricature. » Après une semaine de violences urbaines, dans un Hémicycle réputé si inflammable, Élisabeth Borne n’a donc finalement pas passé une si mauvaise journée à l’Assemblée.
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